Que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ?

« Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? » Frères et sœurs, la question du docteur de la Loi, est-ce aussi la nôtre ? Même s’il la pose pour mettre Jésus à l’épreuve, en espérant qu’il manifestera un manque de connaissances, lui qui n’est qu’un pauvre Galiléen, elle va droit à l’essentiel : que pouvons-nous désirer de mieux que la vie éternelle, qui est aussi la vie bienheureuse ? Le docteur a compris aussi que cette vie ne peut être reçue que comme un héritage, au sens où elle est donnée gratuitement par Dieu… Jésus n’a peut-être pas fait les grandes écoles de Jérusalem, mais il connaît parfaitement la Torah. Cependant, au lieu de répondre directement à son interlocuteur, il le prend « à contrepied » en lui demandant de répondre lui-même à sa question : « Dans la Loi, qu’y a-t-il d’écrit ? Et comment lis-tu ? » Le docteur de la Loi répond correctement, comme le faisaient sans doute beaucoup de ses collègues, et comme l’a fait Jésus lui-même dans d’autres passages des évangiles, en associant 2 commandements : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ton intelligence (Dt 6), et ton prochain comme toi-même (Lv 19). » Jésus lui dit alors : « fais ainsi et tu vivras », afin qu’il mette en pratique ce double commandement, sachant bien que certains « disent et ne font pas » (Mt 23,3). Saint Luc souligne alors que le docteur veut se justifier, sans doute parce qu’il n’a pas réussi à prendre Jésus au piège et que la question qu’il a posée était bien évidente pour beaucoup. Il lui demande alors : « Et qui est mon prochain ? » La Torah demandait aux Juifs d’aimer leurs frères de race, mais pas tous les hommes. Comme le dit Jésus à un autre moment : « Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Eh bien ! moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent » (Mt 5, 43‑44) C’est le même message qu’il apporte ici, à l’aide d’une parabole. La scène se déroule sur une route bien connue de ses auditeurs, les trente kilomètres qui séparent Jérusalem de Jéricho, une route en plein désert, dont certains passages étaient à l’époque de véritables coupe-gorge. Nous allons interpréter cette parabole à 2 niveaux : d’abord spirituel, en mettant le Fils de Dieu à la place du bon Samaritain, et nous-mêmes à celle de l’homme blessé. Moral ensuite, en nous mettant à la place des hommes qui descendent sur le chemin, afin que nous jouions le rôle soit du prêtre et du lévite, soit du bon Samaritain.

 

Pour commencer, nous pouvons jouer le rôle de l’homme tombé aux mains des brigands. Jérusalem est le symbole de la vie céleste (l’Apocalypse évoque la Jérusalem céleste), et Jéricho le symbole de la vie terrestre (c’est l’une des villes les plus anciennes de l’histoire et la plus basse au monde). Par ailleurs, on parle du premier péché comme de la « chute originelle », qui a rendu l’homme fragile, malade, blessé… Le Samaritain est donc une figure du Seigneur, qui s’est approché de nous pour nous sauver. Il l’a fait d’abord en nous donnant sa Loi, comme le rappelle le Deutéronome : « cette loi que je te prescris aujourd’hui n’est pas au-dessus de tes forces ni hors de ton atteinte… Elle est tout près de toi, cette Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur, afin que tu la mettes en pratique. » (1° lect.) N’oublions pas que la Loi de Dieu est source de liberté, et qu’elle a été donnée dans ce but à Israël qui venait d’être libéré de Pharaon, mais qui était toujours esclave de ses penchants mauvais.

Mais le Seigneur s’est encore plus approché de nous en nous envoyant son Fils, qui est descendu du ciel pour partager notre condition humaine. Alors que nous étions « à moitié morts », le Fils de Dieu a été « saisi de pitié », il s’est approché, et a pansé nos plaies en versant de l’huile et du vin. L’huile peut symboliser l’Esprit Saint qui nous apaise et nous transforme, notamment à travers les sacrements à caractère, le baptême, la confirmation, et l’ordination, par lesquels nous sommes oints de saint Chrême. Le vin, pour sa part,  peut symboliser le sang du Christ, et donc l’eucharistie.

Mais le Christ est allé plus loin : au lieu de laisser l’homme sur le chemin, il «  le chargea sur sa propre monture, le conduisit dans une auberge et prit soin de lui. » Cette auberge, c’est l’Eglise, qui est confiée au Pape et aux évêques. Dans les deux pièces d’argent qu’il leur donne, on peut voir l’ancien et le nouveau testaments, ou encore la confession et l’eucharistie. Mais les prêtres ne se contentent pas d’administrer les sacrements, et le Christ leur dit : tout ce que vous aurez dépensé en plus, toute l’énergie que vous dépenserez en plus pour le bien des fidèles, je vous le rendrai quand je repasserai, à la fin des temps.

 

Après l’homme tombé aux mains des bandits, mettons-nous à la place de ceux qui descendent après lui de Jérusalem à Jéricho. Le prêtre et le lévite renvoient au docteur de la Loi, mais aussi aux prêtres d’aujourd’hui (le 1er), et aux laïcs (le 2nd, dont le rôle était d’aider les premiers dans le service du Temple). Pourquoi ne s’arrêtent-ils pas ? Pas parce qu’ils avaient forcément un cœur dur, mais parce que l’homme à moitié mort avait été rendu impur par son contact avec les bandits, et qu’ils ne pouvaient le toucher sans se rendre impurs eux-mêmes, ce qui les empêcherait ensuite d’accomplir leur mission au Temple. Vu de leur point de vue, leur décision est justifiable. Mais ils ne se mettent pas à la place de l’homme blessé, pour se demander ce que lui va devenir… Ils raisonnent avec leur tête, mais ne se laissent pas émouvoir. Ils n’ont pas compris que le hasard est parfois un autre nom de la Providence…

Le Samaritain, au contraire, est saisi de compassion, et il écoute son cœur. Peut-être était-il pressé, peut-être était-il pauvre ? En tout cas, il prend du temps et de l’argent pour aider l’homme qui est près de lui. Son attitude est d’autant plus admirable que les Juifs étaient les ennemis des Samaritains depuis des siècles… Il agit avec sa sensibilité mais aussi avec son intelligence, il n’agit pas de façon à seulement décharger sa conscience, il fait tout pour que l’homme retrouve la santé, avec l’aide des autres. Aujourd’hui, on pourrait dire qu’il ne fait pas de l’assistanat, il se sert des institutions qui existent. Si l’auberge est l’Eglise au plan spirituel, elle est le Secours Catholique au plan moral…

 

Ainsi, frères et sœurs, l’évangile de ce jour nous amène à une double attitude : d’abord à la reconnaissance pour le Fils de Dieu qui est descendu du ciel pour nous nous sauver de la mort, et pour l’Eglise qui est comme une auberge où il fait bon vivre pour recouvrer notre santé spirituelle. Deuxièmement, nous sommes mis en face de nos responsabilités vis-à-vis des personnes que nous rencontrons sur les chemins de nos vies. Combien de fois avons-nous refusé d’aider un de nos frères, trouvant toujours de bonnes raisons pour cela ? Heureusement, nous avons aussi expérimenté parfois la joie qu’il y a de nous oublier nous-mêmes pour nous mettre au service des autres. A la fin de notre vie, le Christ nous dira : ce « que vous avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25,40) mais aussi : ce « que vous n’avez pas fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait. » (Mt 25,45) Cet été, laissons-nous soigner par le Christ, notamment en écoutant sa Parole, et en recevant les sacrements de l’eucharistie et de la réconciliation, et exerçons la compassion vis-à-vis de nos prochains, ceux qui seront dans des situations de pauvreté et dont nous saurons nous faire proches. C’est ainsi que nous pourrons goûter dès maintenant le bonheur de la vie éternelle.