Ce passage de l’Ecriture, c’est aujourd’hui qu’il s’accomplit

Frères et sœurs, quelle place dans nos vies accordons-nous à l’Ecriture ? Notre bible est-elle placée sur notre table de chevet, écornée par l’usage, ou au fond d’une bibliothèque poussiéreuse ? Certes, le christianisme « n’est pas une religion du livre, mais de la Parole de Dieu » (CEC 108). Car Dieu nous parle de bien des manières : par la création, qui est « notre premier livre » (St Augustin), par les personnes, par les événements…  Cependant, l’Ecriture constitue un moyen privilégié pour Lui de nous parler : l’Eglise croit en effet que tous ses livres sont inspirés par l’Esprit Saint. Ils ont donc Dieu pour auteur, même si les hommes qui les ont écrits y ont mis toute leur personnalité, leur façon de penser. C’est le cas notamment de saint Luc, qui n’écrit pas comme saint Marc ou saint Jean. Il a sa théologie propre, celle d’un lettré, médecin de culture grecque et très bon historien. C’est pourquoi il écrit à Théophile, même si «  beaucoup ont entrepris de composer un récit des événements qui se sont accomplis parmi nous », afin qu’il se rende bien compte de la solidité des enseignements qu’il a entendus (év.). Théophile est de la même culture que lui, et il saura plus facilement le toucher qu’un auteur de culture sémitique, par exemple. Quel que soit l’auteur humain, chaque livre de la bible a Dieu pour auteur, c’est pourquoi la Parole qu’elle nous transmet est « vivante, énergique et plus coupante qu’une épée à deux tranchants » (He 4,12). Nous allons le constater à travers les 3 textes de ce jour, qui vont nous appeler à la conversion. Conversion pour nous-mêmes (l’Ecriture produit la joie), pour l’Eglise (elle encourage à l’amour fraternel), et pour le monde (elle nous pousse à la mission).

 

Convertissons-nous d’abord pour nous-mêmes, notamment afin de vivre dans la joie. Le livre de Néhémie nous y invite (1° lect.). Nous sommes au retour de l’exil, qui a été la plus grande catastrophe de l’histoire d’Israël. Il faut tout reconstruire : Jérusalem, le Temple, mais surtout une communauté. C’est à cette époque que beaucoup de paroles de Dieu transmises jusqu’ici par oral sont mises par écrit. Les deux hommes forts qui président à cette réorganisation sont Néhémie et Esdras, qui font partie de l’administration du roi de Perse et qui ont reçu plein pouvoir de sa part. Alors que Néhémie est gouverneur de Judée, Esdras est prêtre, et c’est lui qui préside l’assemblée « composée des hommes, des femmes, et de tous les enfants en âge de comprendre » qui se réunit pour écouter la parole de Dieu « depuis le lever du jour jusqu’à midi ». Bien plus qu’une heure de messe ! Alors, l’assemblée s’ennuie-t-elle ou s’impatiente-t-elle ? Loin de là. En entendant la Parole de Dieu, proclamée en hébreu mais traduite et commentée par les lévites (le peuple parle maintenant araméen), « ils pleurent tous en entendant les paroles de la Loi. » La Parole de Dieu leur permet de prendre conscience de leurs péchés. Mais pour que cette prise de conscience produise une conversion, elle doit se transformer en joie, car la tristesse seule produit le découragement et le repli sur soi. La Parole de Dieu nous éclaire sur nos péchés, mais aussi et surtout sur la miséricorde infinie du Seigneur. C’est pourquoi Néhémie, Esdras et les Lévites disent à tout le peuple : « Ce jour est consacré au Seigneur votre Dieu ! Ne prenez pas le deuil, ne pleurez pas ! » Et Esdras, les invitant à manger des viandes savoureuses, à boire des boissons aromatisées, et à partager avec celui qui n’a rien de prêt, ajoute cette parole magnifique : « Ne vous affligez pas : la joie du Seigneur est votre rempart ! » Rempart non plus contre un envahisseur étranger, car celui de Jérusalem n’a sans doute pas encore été reconstruit, mais rempart contre justement le découragement et le repli sur soi.

 

Convertissons-nous aussi pour le bien de l’Eglise, afin de mieux nous aimer les uns les autres, comme nous y invite la première lettre de saint Paul aux Corinthiens (2° lect.) L’apôtre y compare l’Eglise au corps du Christ, dans lequel il y a plusieurs membres, qui jouent tous un rôle important. « L’œil ne peut pas dire à la main : “Je n’ai pas besoin de toi” ; la tête ne peut pas dire aux pieds : “Je n’ai pas besoin de vous”. » Paul souligne même que « les parties du corps qui paraissent les plus délicates sont indispensables » et que « celles qui passent pour moins honorables, ce sont elles que nous traitons avec plus d’honneur ». Les pieds sont moins honorables que la tête, mais ce sont eux qu’on lavait pour accueillir un hôte chez soi ! Dieu « a voulu ainsi qu’il n’y ait pas de division dans le corps, mais que les différents membres aient tous le souci les uns des autres. » Cet appel résonne particulièrement aujourd’hui, alors qu’approche la fin de la semaine de prière pour l’unité des Chrétiens. Nos divisions sont une source de souffrance pour le Seigneur, car c’est son propre corps qui est ainsi écartelé, mais aussi un obstacle à la conversion des non-chrétiens. Comme l’a dit Jésus le soir de la dernière Cène : « À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres. » (Jn 13,35)

 

Convertissons-nous enfin pour le bien du monde, en devenant plus missionnaires, comme l’évangile nous y invite. L’unité entre Chrétiens est une condition essentielle pour la conversion des non-croyants, mais pas suffisante. Il faut aussi leur annoncer la Bonne Nouvelle, comme l’a fait Jésus qui accomplissait la prophétie d’Isaïe : « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur. » Nous ne pouvons pas rester au chaud entre nous, nous devons aller « jusqu’aux périphéries », comme le pape François nous y invite depuis le début de son pontificat, vers ceux qui ne nous demandent rien mais qui ont besoin d’être sauvés. Nous le devons et nous le pouvons car nous aussi avons été consacrés par l’onction, le jour de notre confirmation où nous avons reçu les 7 dons de l’Esprit Saint.

 

Ainsi, frères et sœurs, l’Ecriture reçue dans l’Esprit Saint, qui devient alors la Parole de Dieu, est tellement vivante et efficace qu’elle peut nous conduire à la conversion, une conversion qui produit la joie dans nos cœurs, favorise  la communion entre nous, et nous pousse à la mission vers les non-croyants. N’oublions pas que le Christ lui-même est la Parole de Dieu. Lorsque nous lisons la Bible, c’est lui que nous écoutons. Alors, combien de temps consacrons-nous chaque jour à lire l’Ecriture ? Nous n’avons parfois pas beaucoup de temps, nous ne pouvons pas y passer des heures comme les Juifs au temps de Néhémie, mais une seule parole peut éclairer toute notre journée, à condition que nous la recevions dans un cœur grand ouvert. La parabole du semeur nous rappelle que la Parole de Dieu peut produire du fruit « à raison de trente, soixante, cent pour un » (Mc 4,8), à condition que ses graines tombent dans la bonne terre. Alors, si ce n’est pas déjà le cas, pourquoi ne pas nous abonner à Prions en Eglise, Magnificat, ou une application comme l’Evangile au Quotidien, et nous mettre chaque jour à l’écoute de ce que le Seigneur aura à nous dire, sûrs qu’à chaque fois, nous pourrons nous dire : ce passage de l’Ecriture, c’est aujourd’hui qu’il s’accomplit. C’est ainsi que nous pourrons devenir nous-mêmes pour nos frères et sœurs des paroles de Dieu, des évangiles.