Dieu des vivants

Frères et sœurs, croyons-nous à la résurrection des morts ? Si oui, en quoi cela transforme-t-il notre vie ? Il n’est pas donné à tous, ni de croire à la résurrection, ni d’en vivre. Déjà au temps de Jésus, les Saducéens, au contraire des Pharisiens, n’y croyaient pas. Aujourd’hui encore, non seulement les athées et les agnostiques mais aussi certains chrétiens croyants la refusent. Pour beaucoup de nos contemporains, la vie s’arrête au moment de la mort. Pour d’autres, elle se poursuit sous une autre forme, dans ce monde-ci avec la réincarnation de l’âme dans une autre enveloppe charnelle, ou dans un autre monde avec la fusion de l’âme dans le Grand Tout. D’autres encore croient à la résurrection, lui donnant le sens d’une jouissance éternelle des plaisirs de cette vie, ou d’un châtiment éternel. Pour nous, la résurrection sera le commencement d’une vie nouvelle, dans laquelle nous serons « semblables aux anges »[i], avec des cœurs purs et dans des corps glorifiés. Qu’est-ce qui prouve que nous ayons raison ? Rien. Nous n’avons aucune preuve scientifique de la résurrection, mais seulement des signes. Ces signes sont présents dans les 3 « livres » où Dieu nous parle, celui de la Création, celui des Ecritures, et celui de nos vies. Ouvrons successivement chacun de ces 3 livres.

 

Pour commencer, ouvrons le livre de la Création. Elle est la première à nous donner des signes de la résurrection. La nuit peut parfois paraître longue, mais elle est toujours suivie du jour. L’hiver peut parfois paraître long, mais il est toujours suivi du printemps. Le grain de blé tombé en terre peut paraître mort, mais il donne un jour beaucoup de grains. La chenille qui s’enferme dans son cocon peut sembler anéantie, mais elle donne bientôt naissance à un splendide papillon. A chaque fois,  une certaine fin ou « mort » est nécessaire à la naissance de quelque chose de plus beau.

Ce qui est manifeste dans la Création l’est aussi chez l’être humain. L’embryon dans le sein de sa mère peut craindre de mourir en quittant par l’utérus le seul monde qu’il connaît, mais sa naissance lui donne d’accéder à un monde plus grand et plus beau. Certes, il doit passer d’un univers clos, où il se sent protégé et nourri sans effort, à un univers ouvert, où il devra lutter pour vivre. Sa première respiration à l’air libre est très douloureuse. Il doit accepter de mourir à sa vie d’embryon pour naître à la vie dans la société.

 

Après avoir observé la Création, ouvrons le livre des Ecritures, la Bible. Au début de leur histoire, les Juifs croient que les morts descendent au shéol, un lieu coupé de Dieu où ils retournent à la poussière, sans aucune idée de jugement et de bonheur ou malheur éternels. Dieu exerce son jugement sur cette terre, en récompensant les justes et en punissant les impies. Cependant, au fur et à mesure que les épreuves font mûrir le peuple juif et que la Révélation progresse, il apparaît que Dieu exercera son jugement ultime après la mort seulement. Au moment de l’exil notamment, les prophètes Isaïe et Ezéchiel déclarent que le shéol sera un lieu de souffrance pour les injustes. Puis, lors d’une nouvelle grande épreuve pour le peuple juif, la persécution du roi séleucide Antiochus IV en 168 av. JC, certains vont plus loin et affirment que les hommes ressusciteront. Le prophète Daniel écrit ainsi que « beaucoup de gens qui dormaient dans la poussière de la terre s’éveilleront : les uns pour la vie éternelle, les autres pour la honte et la déchéance éternelles. » (Dn 12,2)

C’est à cette époque que se situe l’épisode relaté dans la première lecture. Sept frères avaient été arrêtés avec leur mère. A coups de fouet et de nerf de bœuf, le roi Antiochus voulut les contraindre à manger du porc, viande interdite. Mais les sept frères firent preuve d’un courage héroïque, parce qu’ils croyaient en la résurrection. Comment ne pas admirer leur courage et être stupéfaits en entendant leurs paroles, celles du troisième par exemple : « C’est du Ciel que je tiens ces membres, mais à cause de sa Loi je les méprise, et c’est par lui que j’espère les retrouver. »

Ainsi, l’Ancien Testament lui-même nous invite déjà à croire à la résurrection. Jésus invite les saducéens à accueillir cette foi en leur rappelant la rencontre de Dieu et de Moïse au buisson ardent (relatée dans l’Exode, l’un des 5 livres qu’ils considèrent comme révélés). En se révélant comme « Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob », le Seigneur rappelle les alliances qu’Il a conclues avec chacun d’entre eux. Or, lorsque Dieu s’engage, Il le fait non pour un temps, mais pour l’éternité, puisqu’il est Lui-même éternel. C’est le propre de l’amour de s’inscrire dans cette dimension d’éternité. « L’amour est fort comme la Mort » (Ct 8,6). Si le Seigneur s’est engagé envers Abraham, Isaac et Jacob, Lui qui est fidèle n’a pu les abandonner ensuite à la mort.

 

Ouvrons enfin le livre de nos existences, même s’il n’est pas achevé et que nous continuons de l’écrire. Pour commencer, nous pouvons y reconnaître dans les pages déjà écrites des « morts » et des « résurrections » que nous avons vécues. Des moments de désolation profonde qui se sont transformées en moments de bonheur : une guérison après une maladie, une réconciliation après un conflit, une découverte après une période de doute et d’incompréhension…

La foi en la résurrection conforte notre espérance, mais aussi notre sens de la responsabilité. Avant de ressusciter, nous serons jugés. Cela entraîne que, premièrement, nous devons prier pour les défunts, qui n’étaient peut-être pas encore parfaitement purifiés au moment de leur mort. Deuxièmement, nous devons nous convertir pour y parvenir nous-mêmes. Jésus parle de « ceux qui ont été jugés dignes d’avoir part au monde à venir et à la résurrection d’entre les morts ». Il signifie ainsi qu’au jour de notre mort, nous devrons passer en jugement, et que la résurrection bienheureuse ne sera pas un dû, mais un don, que Dieu accordera à ceux et celles qui s’en seront montrés dignes. Comment l’être ? Jésus le dit également : « Ils sont fils de Dieu, en étant héritiers de la résurrection. » Autrement dit, les héritiers de la résurrection sont ceux qui vivent à la manière des fils de Dieu, c’est-à-dire à la manière du Christ. Et il ajoute ensuite : le Seigneur « n’est pas le Dieu des morts mais des vivants ; tous vivent en effet pour lui », qu’on pourrait aussi traduire par « tous vivent en effet par lui ». Ceux qui ressusciteront pour une vie bienheureuse sont ceux qui vivent à la fois pour Dieu, renonçant à leur égoïsme, et par Dieu, renonçant à leur orgueil…

 

Ainsi, frères et sœurs, les 3 « livres » de la Création, de la Révélation et de nos existences nous donnent de multiples signes pour affermir notre foi en la résurrection des morts. Cette semaine, contemplons la beauté de Dieu dans le livre de la Création, méditons sur la splendeur de la Vérité dans le livre des Ecritures, et poursuivons l’écriture du livre de nos existences en priant pour nos frères et sœurs défunts et en nous convertissant pour bien nous préparer  au jour de notre mort. Par sa grâce, nous serons alors jugés dignes de nous retrouver autour du Christ et de son Père, avec Abraham, Isaac, Jacob et tous ceux qui les auront rejoints dans le Royaume. AMEN.

P. Arnaud

[i] Jésus évoque ainsi la condition des ressuscités : « ils sont semblables aux anges » (Lc 20,36), ce qui confirme non seulement qu’ils sont éternels, mais qui signifie aussi qu’ils ne se reproduisent plus. Bien-sûr, le lien entre les époux de la terre demeurera, mais ce sera le lien de l’amour. Dans un couple, c’est d’ailleurs ce lien qui est central, la sexualité n’étant qu’une expression, magnifique certes, mais « seconde » par rapport à ce lien. Un couple ne peut pas avoir des relations sexuelles 24h/24, mais il peut s’aimer 24h/24.