Viens Esprit Saint !

Frères et sœurs, comment résister au mal qui ravage notre monde ? Nous avons besoin d’un Défenseur, celui que le Christ nous a promis et envoyé après sa Résurrection. Les médias nous parlent beaucoup des événements sportifs en ce moment, et c’est tant mieux car la rivalité entre le PSG et les autres équipes de foot, entre Pogacar et Vingegaard ou entre Sinner et Alcaraz reposent sur le talent et les efforts immenses déployés par ces hommes pour exceller dans leur sport. Plutôt que de faire la guerre et de tuer, mieux vaut donner le meilleur de soi en jouant (c’est d’ailleurs le but premier des Jeux Olympiques). Mais le combat le plus important dans notre vie, et qui nous concerne tous, est celui entre la chair et l’Esprit. Saint Paul vient de nous le dire : « Si vous vivez selon la chair, vous allez mourir ; mais si, par l’Esprit, vous tuez les agissements de l’homme pécheur, vous vivrez » (2° lect.) L’enjeu est donc bien plus important qu’une coupe ou une médaille, c’est une question de vie et de mort. Aussi, posons-nous la question en toute vérité : vivons-nous sous l’emprise de l’Esprit ou sous l’emprise de la chair ? Sans doute, nous obéissons parfois à l’un et parfois à l’autre, comme ces mercenaires qui choisissent leur patron en fonction de leur intérêt. Pourquoi ne choisissons-nous pas toujours l’Esprit, nous qui sommes disciples du Christ ? Sans doute parce que la voie qu’il nous propose est parfois celle de la souffrance, qui nous rebute naturellement. C’est pourquoi l’Apôtre ajoute clairement : nous sommes « héritiers de Dieu, héritiers avec le Christ, si du moins nous souffrons avec lui pour être avec lui dans la gloire ». Ce n’est pas un hasard si l’eau, symbole de l’Esprit, a jailli du Cœur du Christ sur la Croix. Nous ne pouvons vivre sous l’empire de l’Esprit que si nous acceptons de suivre le Christ partout où il nous conduit, jusqu’à la Croix. C’est parce que les disciples n’avaient plus peur de souffrir que l’Esprit est descendu sur eux sous la forme de langues de feu le jour de la Pentecôte (1° lect.) C’est alors qu’il a pu les combler de ses sept dons et qu’ils ont pu toucher les cœurs. Nous aussi, nous avons reçu ces dons lors de notre confirmation, mais nous les utilisons sans doute trop peu, parce que nous vivons trop sous l’empire de la chair. Réveillons donc ce matin notre désir de vivre selon ces dons, qui sont des dispositions stables (des habitus) qui nous permettent de nous laisser mouvoir (dans notre mémoire, notre intelligence et notre volonté) par l’Esprit. Etudions-les l’un après l’autre à la lumière de la vie du Christ.

 

La crainte est le fondement de toute la vie spirituelle, c’est pourquoi elle est très souvent évoquée dans l’Ancien Testament, en particulier dans les livres de Sagesse. Comme le feu détruit les immondices et comme l’eau permet de se laver, le Saint-Esprit détruit en nous tous les germes de perversité : « Dans la fièvre (de nos passions), la fraîcheur… lave ce qui est souillé » (séq.) Craindre Dieu ne signifie pas avoir peur de Lui, mais peur de l’offenser. Quand on aime quelqu’un, on ne veut pas le blesser. La crainte de Dieu implique donc l’humilité, le respect, la pudeur, l’adoration, la tempérance (la vertu cardinale qui lui est associée). Elle nous permet de prendre conscience de la distance infinie qui nous sépare de Celui qui est le Créateur, le Tout-Autre, le Tout-puissant… Au moment de son agonie à Gethsémani, Jésus dit à son Père : « Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe ; cependant, que soit faite non pas ma volonté, mais la tienne. » (Lc 22,42)

Alors que la crainte nous place dans une juste distance vis-à-vis de Dieu, la piété nous place dans une juste proximité. Le respect et l’admiration qu’un enfant éprouve pour son papa ne l’empêchent pas de se précipiter dans ses bras pour être caressé. Comme le feu réchauffe ce qui est froid et comme l’eau assouplit ce qui est dur, le Saint-Esprit crée de la tendresse : « baigne ce qui est aride, assouplis ce qui est raide, réchauffe ce qui est froid » (séq.) La piété est aussi synonyme de confiance, de dévotion. Elle nous rend proche de Dieu mais aussi des autres, tout comme la crainte nous place à la juste distance de notre prochain. La piété de Jésus se manifesta notamment lorsqu’il priait son Père, parfois pendant la nuit entière…

Le don de science nous permet de connaître le chemin qui conduit vers Dieu, notamment à travers les Ecritures mais aussi la Création et l’Histoire. Il nous permet de reconnaître la beauté de la nature[i], car elle est l’œuvre de Dieu[ii], mais aussi sa précarité, car elle est aussi abîmée par le prince de ce monde (Jn 12,31) et par nos péchés. Grâce à ce don, Jésus ne se fiait pas à tous car il « connaissait ce qu’il y a dans l’homme. » (Jn 2,25)

Connaître la volonté de Dieu est une chose, l’accomplir en est une autre. Le don de force nous permet non seulement d’accomplir des actions difficiles voire héroïques, mais aussi tout simplement de réaliser notre devoir d’état. Il nous permet de persévérer dans les épreuves et de résister dans le combat spirituel. Jésus en a fait preuve particulièrement au moment de sa Passion et de sa crucifixion. C’est grâce à lui que les martyrs ont pu donner leur vie à sa suite.

Le conseil, nous guide dans telle ou telle situation concrète. Comme le dit Jésus à Nicodème, « le vent souffle où il veut : tu entends le bruit qu’il fait, mais tu ne sais pas d’où il vient ni où il va. Il en est ainsi de tout homme qui est né du souffle de l’Esprit. » (Jn 3,8)[iii] Jésus s’est laissé conseiller par le Saint Esprit, notamment lorsqu’il est parti au désert : après son baptême, c’est lui qui l’y « pousse» (Mc 1,12) et qui le « conduit » pendant les 40 jours (Lc 4,1).

A travers la Révélation, le don d’intelligence nous permet de pénétrer dans le mystère de Dieu, de comprendre de l’intérieur la foi et les Écritures, de distinguer l’erreur de la vérité. Jésus en a fait preuve dès l’âge de 12 ans, lorsque ses parents le retrouvèrent au temple, « assis au milieu des docteurs de la Loi : il les écoutait et leur posait des questions, et tous ceux qui l’entendaient s’extasiaient sur son intelligence et sur ses réponses. » (Lc 2,46‑47)

La sagesse est le don ultime. Comme le feu embrase une bûche et la rend tellement incandescente qu’elle devient elle-même source de chaleur et de lumière, la sagesse nous unit à Dieu et nous divinise. Mais comme la même eau permet à chaque plante de porter son fruit propre, différent d’une espèce à l’autre, le Saint-Esprit nous divinise tout en nous rendant unique. Comme disait le bienheureux Carlo Acutis, « nous naissons tous comme des originaux et beaucoup terminent comme des photocopies ». La sagesse donne de la saveur à la vie. Elle est le don par excellence des gouvernants mais paradoxalement, elle n’est donnée qu’aux tout-petits : « ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. » (Mt 11,25) Jésus manifeste ce don notamment sur la Croix : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font. » (Lc 23,34) Voici son jugement : au lieu de condamner, il pardonne…

 

Pour conclure, frères et sœurs, rendons grâce à Celui qui nous a donné son Esprit avec ces sept dons magnifiques, bien plus précieux que n’importe quel trésor. Avec lui, comme les apôtres qui sortirent du Cénacle le jour de la Pentecôte, témoignons partout de la Bonne Nouvelle. N’ayons peur ni des réactions hostiles, ni de nos ignorances : le Défenseur, l’Esprit Saint, sera avec nous. « Viens en nous, père des pauvres, viens, dispensateur des dons, viens, lumière de nos cœurs » !

P. Arnaud

 

[i]  « Tu trouveras bien plus dans les forêts que dans les livres », disait saint Bernard de Clairvaux, qui savait reconnaître Dieu à l’œuvre dans la nature.

[ii] « Depuis la création du monde, on peut voir avec l’intelligence, à travers les œuvres de Dieu, ce qui de lui est invisible : sa puissance éternelle et sa divinité » écrit saint Paul (Rm 1,20).

[iii] Ce don nous aide à discerner non seulement entre  le bon et le mauvais, mais aussi entre le bon, le mieux et le parfait : « Ne prenez pas pour modèle le monde présent, mais transformez-vous en renouvelant votre façon de penser pour discerner quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait. » (Rm 12,2)