Une petite vidéo introductive: https://youtu.be/xQsltEFrDck

Quelques exemples de ce don dans la bible: La force

 

La force

Une fois que l’Esprit nous a éclairés par son conseil, il reste à accomplir l’action. Or, nous sommes parfois tentés de la repousser (on parle alors de procrastination), voire de la refuser, à cause notamment de notre peur ou de notre paresse (une des formes de l’acédie, un des 7 péchés capitaux). Saint Matthieu a souligné que l’une des facettes essentielles de la mission de Jésus était de nous délivrer de cette « langueur ». Un « refrain » revient plusieurs fois dans son évangile:

« Il parcourait toute la Galilée, enseignant dans leurs synagogues, proclamant la Bonne Nouvelle du Royaume et guérissant toute maladie et toute langueur parmi le peuple. » (Mt 4,23)

« Jésus parcourait toutes les villes et les villages, enseignant dans leurs synagogues, proclamant la Bonne Nouvelle du Royaume et guérissant toute maladie et toute langueur. » (Mt 9,35)

« Ayant appelé à lui ses douze disciples, Jésus leur donna pouvoir sur les esprits impurs, de façon à les expulser et à guérir toute maladie et toute langueur. » (Mt 10,1)

Cette langueur est une des caractéristiques de notre société de consommation, dans laquelle on trouve tant de déprimes et dépressions et tant de violence.

 

La force est une des 4 vertus cardinales. Elle ne signifie pas qu’on a beaucoup de muscles, mais qu’on est capable de résister aux difficultés et de surmonter les obstacles. Ses composantes sont notamment la patience (qui vient de patior, supporter) et la maîtrise de soi. Le don de l’Esprit parachève cette vertu et nous donne de résister au péché. « Vous n’avez pas encore résisté jusqu’au sang dans la lutte contre le péché. » (He 12,4) Il s’agit de résister à la peur, au doute, à la souffrance… à tout ce qui pourrait nous empêcher d’accomplir la volonté de Dieu. « Je peux tout supporter avec celui qui me donne la force. » (Ph 4,13)Il s’agit aussi de résister à la tentation de violence qui nous assaille lorsque nous sommes confrontés nous-mêmes à elle. « Vous avez appris qu’il a été dit : Œil pour œil, dent pour dent. Eh bien moi, je vous dis de ne pas riposter au méchant ; mais si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l’autre. » (Mt 5,38‑39) C’est grâce à la non-violence que le mahatma Gandhi put vaincre l’Empire britannique, la grande « puissance » de son époque.

Avant sa conversion,  saint Paul persécutait les chrétiens avec la force des armes et les jetait en prison. Mais sa rencontre avec le Ressuscité sur le chemin de Damas a tout changé, et c’est lui qui a accepté la prison à maintes reprises, menant sa vie comme un véritable combat :

« J’ai mené le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi. […] La première fois que j’ai présenté ma défense, personne ne m’a soutenu : tous m’ont abandonné. Que cela ne soit pas retenu contre eux. Le Seigneur, lui, m’a assisté. Il m’a rempli de force pour que, par moi, la proclamation de l’Évangile s’accomplisse jusqu’au bout et que toutes les nations l’entendent. J’ai été arraché à la gueule du lion ; le Seigneur m’arrachera encore à tout ce qu’on fait pour me nuire. Il me sauvera et me fera entrer dans son Royaume céleste. À lui la gloire pour les siècles des siècles. Amen. » (2 Tm 4,7.16‑18)

Voici en quoi consiste le combat spirituel, aussi violent que le combat d’hommes » (Rimbaud)

« Puisez votre énergie dans le Seigneur et dans la vigueur de sa force. Revêtez l’équipement de combat donné par Dieu, afin de pouvoir tenir contre les manœuvres du diable. Car nous ne luttons pas contre des êtres de sang et de chair, mais contre les Dominateurs de ce monde de ténèbres, les Principautés, les Souverainetés, les esprits du mal qui sont dans les régions célestes. Pour cela, prenez l’équipement de combat donné par Dieu ; ainsi, vous pourrez résister quand viendra le jour du malheur, et tout mettre en œuvre pour tenir bon. Oui, tenez bon, ayant autour des reins le ceinturon de la vérité, portant la cuirasse de la justice, les pieds chaussés de l’ardeur à annoncer l’Évangile de la paix, et ne quittant jamais le bouclier de la foi, qui vous permettra d’éteindre toutes les flèches enflammées du Mauvais. Prenez le casque du salut et le glaive de l’Esprit, c’est-à-dire la parole de Dieu. » (Ep 6, 10‑17)

 

La force est l’une des caractéristiques du Seigneur, souvent appelé le Tout-Puissant dans la bible. Mais cette force peut nous surprendre car elle est celle de l’Amour. C’est pourquoi nous ne pouvons être forts qu’en acceptant une forme de faiblesse.

Saint Paul l’a bien compris, comme il le répète à maintes reprises aux Corinthiens :

« Car ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes, et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes. » (1 Co 1,25)

« S’il faut se glorifier, c’est de mes faiblesses que je me glorifierai. » (2 Co 11,30)

« Mais il m’a déclaré : “Ma grâce te suffit : car la puissance se déploie dans la faiblesse.” C’est donc de grand cœur que je me glorifierai surtout de mes faiblesses, afin que repose sur moi la puissance du Christ. » (2 Co 12,9)

« C’est pourquoi je me complais dans les faiblesses, dans les outrages, dans les détresses, dans les persécutions et les angoisses endurées pour le Christ ; car, lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort. » (2 Co 12,10)

 

Dans le Dialogue des Carmélites, Georges Bernanos illustre cette vérité par le personnage de Blanche de la Force. Terrorisée depuis toute petite à l’idée de mourir, elle n’est même pas capable de passer sa première nuit au couvent la porte fermée, tant elle a peur de l’obscurité, comme une enfant. Et après que ses sœurs religieuses ont prononcé le vœu du martyr, elle s’enfuit du couvent pour retourner dans la demeure de ses parents, que la révolution a fait disparaître. Pourtant, au moment où les Carmélites sont guillotinées, elle les rejoint et monte sur l’échafaud à son tour, en chantant le Veni Creator… La prieure du couvent, une femme forte qui avait incité les sœurs à ne pas avoir peur du martyre, est la seule à qui il est refusé, parce qu’elle est partie rechercher Blanche juste avant l’arrestation des autres sœurs et surtout parce que leur aumônier lui demande de vivre.

Notons que le martyre peut être rouge ou blanc, c’est-à-dire qu’on peut donner sa vie en une fois, de façon sanglante, ou chaque jour, en se mettant au service de Dieu et de son prochain.  Dans les deux cas, le don de force est nécessaire.

 

Le Christ lui-même a connu la faiblesse humaine. « En effet, le grand prêtre que nous avons n’est pas incapable, lui, de partager nos faiblesses ; en toutes choses, il a connu l’épreuve comme nous, et il n’a pas péché. » (He 4,15) Il s’est ainsi laissé conduire comme un agneau à l’abattoir[1]. Mais il a laissé l’Esprit le fortifier, en particulier à Gethsémani, où il a mené le combat le plus rude de son ministère. « Mon Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! Cependant, non pas comme je veux, mais comme tu veux. » (Mt 26,39) Le soutien de l’Esprit s’est exprimé en particulier par un ange : « Du ciel lui apparut un ange qui le réconfortait. » (Lc 22,43)

 

Prenons des exemples de force dans la bible.

Après l’entrée en Terre Promise, Josué est désigné par Dieu comme le successeur de Moïse, avec la lourde mission de diriger le peuple et de le défendre contre les ennemis. Plusieurs fois, comme un refrain, le Seigneur lui dit : « Sois fort et courageux. » (Dt 31,7.23 ; Jos 1,6.7.9.18) C’est aussi ce que dira le roi David à son fils Salomon, avant qu’il lui succède : « Sois fort et courageux ! Sois sans crainte et sans peur. » (1 Ch 22,13)

 

Gédéon est un modeste villageois du clan de Manassé. Alors qu’Israël est opprimé par Madiane depuis 7 ans, l’ange du Seigneur lui apparaît et lui dit : « Avec la force qui est en toi, va sauver Israël du pouvoir de Madiane. C’est moi qui t’envoie. » (Jg 6,14) La réponse de Gédéon est compréhensible : « Pardon, mon Seigneur ! Comment sauverais-je Israël ? Mon clan est le plus faible dans la tribu de Manassé, et moi je suis le plus petit dans la maison de mon père ! » (Jg 6,15) Mais le Seigneur lui répond : « Je serai avec toi, et tu battras les Madianites comme s’ils n’étaient qu’un seul homme. » (Jg 6,16) De fait, il redonnera à Israël son indépendance, après avoir notamment remporté une grande victoire avec 300 hommes sur des dizaines de milliers d’adversaires (Jg 7).

 

Un autre juge, plus connu encore, est Samson.  Certes, sa force est d’abord physique, lui permettant de vaincre aussi bien les lions (Jg 14,5) que les Philistins. Mais après sa « chute » causée par Dalila, qui lui vaut d’avoir les yeux crevés, il choisit de mourir pour faire s’écrouler le temple sur ses ennemis. « Les morts qu’il fit mourir par sa mort furent plus nombreux que ceux qu’il avait fait mourir durant sa vie. » (Jg 16,30) Il a mis sa force physique au service de sa force spirituelle.

 

Après le début de  la royauté, échue d’abord à Saül, David remporte sur Goliath, le champion de l’armée philistine, une victoire éclatante. Avant l’affrontement, il lui dit : « Tu marches contre moi avec épée, lance et cimeterre, mais moi, je marche contre toi au nom de Yahvé Sabaot, le Dieu des troupes d’Israël que tu as défiées. Aujourd’hui, Yahvé te livrera en ma main, je t’abattrai, je te couperai la tête, je donnerai aujourd’hui même ton cadavre et les cadavres de l’armée philistine aux oiseaux du ciel et aux bêtes sauvages. Toute la terre saura qu’il y a un Dieu en Israël, et toute cette assemblée saura que ce n’est pas par l’épée ni par la lance que Yahvé donne la victoire, car Yahvé est maître du combat et il vous livre entre nos mains. » (1 S 17,45‑47)

 

Au temps de la domination grecque, Judas Maccabée se montre à son tour un vaillant guerrier, remportant de multiples victoires sur les armées ennemies. Plusieurs fois, il se trouve en position d’infériorité numérique, mais il ne perd pas courage, sûr que Dieu peut lui donner la victoire : « Eux se fient aux armes et aux actes audacieux, tandis que nous autres, nous avons placé notre confiance en Dieu, le Tout-Puissant, capable de renverser en un clin d’œil ceux qui marchent contre nous, et avec eux le monde entier.» (2 M 8,18)

 

Le don de force est associé à la 4ème béatitude : « Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés » (Mt 5,6) car la justice est souvent bafouée et demande un combat pour être réalisée.

 

Proposition d’action : accomplissons aujourd’hui ce à quoi notre conscience nous appelle et que nous avons remis à plus tard depuis quelque temps.

P. Arnaud

[1] « Maltraité, il s’humiliait, il n’ouvrait pas la bouche, comme l’agneau qui se laisse mener à l’abattoir, comme devant les tondeurs une brebis muette, il n’ouvrait pas la bouche. » (Is 53,7)