Je suis Infirmière coordinatrice depuis peu, janvier 2020 dans une structure privé. Je suis responsable d’un magnifique plateau technique spécialisé en cardiologie. Le Carême est arrivée puis le coronavirus, et avec lui désespoir, la peur d’un virus inconnu qui avait l’air de se moquer de tout, en attaquant les plus fragiles, bafouant les convictions, en mettant tout le monde à genou.

 

Après avoir cessé toute activité pendant 2 semaines, appel de l’ARS qui nous demande de transformer 4 lits en réanimation. Je ne pourrais vous dire par quel miracle cela a pu être possible au bout de 48h. Protocole de prise en charge patient, médicamenteuse, bionettoyage, personnel nécessaire, matériel…. tout était prêt. On attendait le premier patient sans impatience car on savait que la vie de tous serait bouleversée. Comment faire ? Comment allait-il être ? Allions nous y arriver ? Les risques étaient importants aussi pour lui, nous, nos familles !

Chaque fois que le téléphone sonnait on regardait l’anesthésiste et je priais très fort pour y arriver et avoir la force de bouleverser certaines convictions religieuses. Des conversations avec les prêtres qui ont été un soutien de tous les instants m’ont permis d’accomplir mes taches,  m’ont aidé à me lever et d’y retourner.

 

15h la première arrive intubé ventilé, aie s’est pas bon ! La deuxième Madame B…respire seule mais avec de l’oxygène à haute dose, c’est différent mais pas mieux. Et le défilé à continuer comme çà jusqu’à 20h. Fin de service on était hors service.

 

Et puis le jour d’après,  Madame B. ne va pas bien et s’aggrave, elle est donc transférée en réanimation.

 

Je me souviendrai toujours de ce moment intense et unique. Pendant qu’on l’installait, son fils appel. Et sa maman à bout de souffle à pu lui parler un peu, puis l’anesthésiste lui a expliqué calmement avec des mots simples ce qui se passait, ce que l’on allait faire au cas où, mais qu’on lui téléphonerait avant de la mettre en coma artificiel. Madame B. à bout de souffle est arrivée péniblement à lever son bras pour dire au revoir à son fils. Je ne sais pas comment je me suis contenue. Dans ces moments-là le patient cherche dans vos yeux le réconfort et c’est là qu’il faut lui en donner. Evidement c’est compliqué on est en mode cosmonaute, dans l’urgence et tout peut aller très vite. Mais il reste l’essentiel ce qui ne peut normalement pas mentir, se sont les yeux. Que le Seigneur me pardonne mais j’ai mentit plus d’une fois pendant le carême.

 

Cette femme très pieuse  s’est dégradée encore plus et le moment était venu pour elle de l’endormir. Contre toute attente, et elle a refusé.

Elle alternait prière et BFM, a pris le parti de faire confiance au très haut. Nous étions stupéfaits par son courage, sa ténacité, sa foi. Pour ceux qui ne croyaient pas elle étaient folle. Le combat avait déjà commencé pour tous les patients présents, on était au coude à coude, allant à droite à gauche, nos journées rythmées par l’habillage déshabillage, masque, charlotte, surchaussures, surblouse, tablier,  SHA, lavages des mains la folie, et les bip bip bip de la centrales des scopes !

La bataille se faisait de jour comme de nuit pour les 24 patients. On croulait sous les protocoles, au bord du gouffre, la peur nous tenaillait, chaque patient admis nous renvoyait fasse à la mort, car on ne savait pas, s’il allait s’en sortir.  On essayait de faire le maximum pour eux, en se protégeant. Avec la quotidienne de SALOMO on regardait les chiffres des décès effarés.

Pendant toute cette expérience, je n’ai jamais autant parlé religion. Dieu était présent au milieu de nous, et chacun avait besoin de parler de lui, de puiser sa force en lui, de partager sa croyance. Chaque conversation avait son moment DIEU. On parlait du Très Haut, de  Dieu, de YAHVE, tous unis autour du Dieu de gloire, du Dieu des miracles, par qui tout est possible. Et pour la première fois personne ne disait « chez nous c’est comme ci ou comme ça ». Comme si dans cette pandémie nous étions tous UN.

 

Un matin en faisant mon tour, je vois madame B. Elle avait été transférée de réanimation dans la nuit pour faire la place à un autre. Mes yeux se sont embués en la voyant.  J’étais respectueuse de sa force, de sa foi et d’avoir combattue avec ténacité. Elle avait perdu 15 kg, était fatiguée mais allait mieux. Je me suis présentée à elle et là elle a commencé à nous remercier, à dire toute sa gratitude pour les équipes.  Elle a  ajouté : «  je ne reconnais personne, pardon. Sans l’aide de DIEU et vous qui êtes ses instruments, je ne serai pas là aujourd’hui. Ma sortie d’aujourd’hui je vous la dois et jamais je ne vous oublierai. J’ai failli mourir ici, et grâce à Dieu et vous je vais rejoindre ma famille. Merci à vous tous ».

 

Sa gratitude était telle que j’ai fondu en larmes et je suis sortie par une pirouette. J’étais secouée par des sanglots et les larmes coulaient, coulaient de mes yeux. (Punaise de Virus je peux même pas m’essuyer les yeux sans me contaminer) Moi qui était censée être forte, j’avais flanché, dépassé par tant de gratitude si rare.

 

Les salariés étaient inquiets car personne ne comprenait, ce qui se passait. Les larmes coulaient sans discontinuer car fatiguée, à bout de nerfs, 15ème jour en 12h, j’étais loin. Et puis ce moment était dingue car le Seigneur me montrait que malgré les choses personnelles difficiles que je vivais, et même si j’avais perdu le sourire, que la tristesse m’avait envahi, le bonheur était encore possible.

 

14h ce jour-là, les ambulanciers sont venus, et on lui a fait une haie d’honneur, on l’a applaudie, elle nous a bénis et on a tous pleuré, de joie, contents de vivre cette première sortie, que nous espérions nombreuses.

Ça a été le début d’une belle conversation pour et il y en a eu tant d’autres. C’était mon premier miracle et beaucoup d’autres ont suivi, signes de foi, de présence, de solidarité, de soutien, pour en apporter encore plus aux autres et à moi-même.

 

Mireille

 

NB: cette vidéo en complément: https://youtu.be/kiXPNdp4F9U