Une petite vidéo introductive: https://youtu.be/7bhcejczDb8
Quelques exemples de ce don dans la Bible: Le conseil
Le conseil
Les dons de crainte et de piété nous établissent dans une relation juste vis-à-vis du Seigneur, empreinte de respect et d’affection, mais il nous faut aussi bien nous situer dans notre rapport au monde, afin d’agir de façon juste. C’est dans ce but que nous sont offerts les dons de conseil et de force.
Le don de conseil complète la prudence, l’une des 4 vertus cardinales. La prudence ne signifie pas une attitude nécessairement timorée, elle indique la capacité à bien se diriger (pro/vedere signifie voir en avant) et peut parfois se manifester par des décisions audacieuses et courageuses. Comme toute vertu, elle se développe par la pratique (la vertu, selon Aristote, étant une disposition qui permet de faire le bien avec fermeté et plaisir). Mais alors que la prudence nous indique le bon chemin sur le plan naturel, le don de conseil s’exerce sur le plan surnaturel, et nous indique dans des conditions difficiles le chemin qui mène à Dieu. Il n’est donc pas toujours nécessaire. Par exemple, je n’ai besoin que de la vertu de prudence pour comprendre que l’apprentissage des mathématiques va m’aider à devenir un bon ingénieur. Et je n’ai besoin que de l’enseignement de l’Eglise pour savoir que la participation à la messe du dimanche va m’aider à devenir un bon chrétien. Mais ici et maintenant, que dois-je faire ? Dois-je prendre un temps d’adoration devant le Saint Sacrement ou réciter un chapelet ? Dois-je donner mon argent à telle association ou à telle autre ?
Si nous ne sommes pas à l’écoute de l’Esprit, nous pouvons nous laisser tromper par le diable, « père du mensonge » (Jn 8,44) qui fait miroiter devant nous des illusions, comme le serpent de la Genèse qui incite Ève à désobéir à Dieu en mangeant la pomme : « Le serpent dit à la femme : “Pas du tout ! Vous ne mourrez pas ! Mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal.” » (Gn 3,4‑5) Pire encore, nous pouvons prendre de mauvaises décisions tout en croyant faire le bien. « L’enfer est pavé de bonnes intentions » dit le proverbe. Ignace de Loyola, après sa conversion, était sur une route d’Espagne lorsqu’il rencontra un pauvre en haillons. Il se dépouilla de son magnifique vêtement (il venait d’une famille riche) pour prendre les haillons à la place. Le lendemain, il apprit par hasard que le pauvre avait été arrêté et roué de coups parce qu’on l’avait accusé de vol.
Non seulement nous devons éviter le mal, mais parfois choisir entre différents biens. Saint Paul, qui évoque souvent l’importance du discernement, l’a bien compris. « Ne prenez pas pour modèle le monde présent, mais transformez-vous en renouvelant votre façon de penser pour savoir reconnaître quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait. » (Rm 12, 2)
Certains choix peuvent prendre du temps. Par exemple, dois-je me marier ou entrer au séminaire ? Vaut-il mieux que je devienne jésuite ou dominicain ? Mais d’autres doivent être pris rapidement. Dois-je m’arrêter pour aider telle personne qui me sollicite dans la rue alors que je suis en retard pour prendre le bus qui va me conduire au travail ? Aussi bien la vertu de prudence que le conseil s’exercent par le discernement, mais celui-ci manque parfois de temps.
Le conseil nous est donné parfois de façon directe (une sorte d’intuition qui nous pousse à prendre telle décision) et parfois de façon indirecte, par l’aide d’une autre personne. Il peut s’agir de notre accompagnateur spirituel. Son rôle n’est pas nous indiquer ce qui lui semble bon, mais de se mettre à l’écoute de l’Esprit Saint pour reconnaître ce que le Seigneur nous propose. Par ailleurs, d’autres personnes peuvent être « de bon conseil » et nous indiquer le chemin voulu par Dieu sans qu’eux-mêmes partagent notre foi ou même soient croyants parfois. Prenons deux exemples dans la bible.
Au début de l’exode, après la fuite d’Egypte, Moïse juge tous les différends qui affectent les Hébreux. Heureusement pour lui, son beau-père Jéthro vient à sa rencontre:
« Le lendemain, Moïse s’assit pour rendre la justice au peuple, tandis que le peuple demeurait debout auprès de lui du matin au soir. Le beau-père de Moïse, voyant tout ce qu’il faisait pour le peuple, lui dit : “Comment t’y prends-tu pour traiter seul les affaires du peuple ? Pourquoi sièges-tu seul alors que tout le peuple se tient auprès de toi du matin au soir ?” Moïse dit à son beau-père : “C’est que le peuple vient à moi pour consulter Dieu. Lorsqu’ils ont une affaire, ils viennent à moi. Je juge entre l’un et l’autre et je leur fais connaître les décrets de Dieu et ses lois.” Le beau-père de Moïse lui dit : “Tu t’y prends mal ! A coup sûr tu t’épuiseras, toi et le peuple qui est avec toi, car la tâche est trop lourde pour toi ; tu ne pourras pas l’accomplir seul. Maintenant écoute le conseil que je vais te donner pour que Dieu soit avec toi. Tiens-toi à la place du peuple devant Dieu, et introduis toi-même leurs causes auprès de Dieu. Instruis-les des décrets et des lois, fais-leur connaître la voie à suivre et la conduite à tenir. Mais choisis-toi parmi tout le peuple des hommes capables, craignant Dieu, sûrs, incorruptibles, et établis-les sur eux comme chefs de milliers, chefs de centaines, chefs de cinquantaines et chefs de dizaines. Ils jugeront le peuple en tout temps. Toute affaire importante, ils te la déféreront et toute affaire mineure, ils la jugeront eux-mêmes. Allège ainsi ta charge et qu’ils la portent avec toi. Si tu fais cela et que Dieu te l’ordonne tu pourras tenir et tout ce peuple, de son côté, pourra rentrer en paix chez lui.” Moïse suivit le conseil de son beau-père et fit tout ce qu’il lui avait dit. Moïse choisit dans tout Israël des hommes capables, et il les mit chefs du peuple : chefs de milliers, chefs de centaines, chefs de cinquantaines et chefs de dizaines. Et ils jugeaient le peuple en tout temps. Toute affaire importante, ils la déféraient à Moïse, et toute affaire mineure, ils la jugeaient eux-mêmes. Puis Moïse laissa repartir son beau-père qui reprit le chemin de son pays. » (Ex 18, 13‑27)
Après une cinquantaine d’années d’exil à Babylone, c’est l’empereur Cyrus qui appelle les Juifs à retourner à Jérusalem pour y reconstruire le Temple !
« La première année de Cyrus, roi de Perse, pour accomplir la parole de Yahvé prononcée par Jérémie, Yahvé éveilla l’esprit de Cyrus, roi de Perse, qui fit proclamer – et même afficher – dans tout son royaume : Ainsi parle Cyrus, roi de Perse : Yahvé, le Dieu du ciel, m’a remis tous les royaumes de la terre ; c’est lui qui m’a chargé de lui bâtir un Temple à Jérusalem, en Juda. Quiconque, parmi vous, fait partie de tout son peuple, que son Dieu soit avec lui et qu’il monte ! » (2 Ch 36,22-23)
Parfois, l’Esprit peut s’exprimer par une personne sans même qu’elle en ait conscience. C’est le cas de Caïphe, après la résurrection de Lazare : « Alors, l’un d’entre eux, Caïphe, qui était grand prêtre cette année-là, leur dit : “Vous n’y comprenez rien ; vous ne voyez pas quel est votre intérêt : il vaut mieux qu’un seul homme meure pour le peuple, et que l’ensemble de la nation ne périsse pas.” Ce qu’il disait là ne venait pas de lui-même ; mais, comme il était grand prêtre cette année-là, il fut prophète en révélant que Jésus allait mourir pour la nation. Or, ce n’était pas seulement pour la nation, c’était afin de rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés. » (Jn 11,49‑52)
Dans certains cas, l’Esprit se manifeste de façon évidente. Ainsi, dans les Actes des Apôtres qui pourraient aussi être appelés Actes de l’Esprit Saint, il est sans cesse à l’œuvre.
[ch.8] L’Esprit du Seigneur dit à Philippe : “Avance, et rejoins ce char.”
[ch.10] Comme Pierre réfléchissait encore à sa vision, l’Esprit lui dit : “Voilà trois hommes qui te cherchent”.
[ch.11] L’Esprit me dit d’aller avec eux sans me faire de scrupule. Les six frères qui sont ici m’ont accompagné, et nous sommes entrés chez le centurion Corneille.
[ch.13] Un jour qu’ils célébraient le culte du Seigneur et qu’ils observaient un jeûne, l’Esprit Saint leur dit : “Détachez pour moi Barnabé et Saul en vue de l’œuvre à laquelle je les ai appelés.”
[ch.16] Paul et ses compagnons traversèrent la Phrygie et le pays des Galates, car le Saint-Esprit les avait empêchés d’annoncer la Parole dans la province d’Asie . […] Arrivés en Mysie, ils essayèrent d’atteindre la Bithynie, mais l’Esprit de Jésus s’y opposa.
[ch.20] Et maintenant, me voici contraint par l’Esprit de me rendre à .Jérusalem, sans savoir ce que je vais y trouver. […] Je sais seulement que l’Esprit Saint, dans chaque ville où je passe, témoigne que la prison et les épreuves m’attendent. »
Dans d’autres cas cependant, l’Esprit semble silencieux ou absent. Les décisions sont alors difficiles à prendre et des désaccords peuvent surgir, même entre disciples du Christ. C’est ainsi que Pierre et Paul ne prirent pas les mêmes décisions sur la manière d’agir vis-à-vis des païens. Finalement, c’est le second qui fut écouté, et non le chef de l’Eglise.
« Mais quand Pierre est venu à Antioche, je me suis opposé à lui ouvertement, parce qu’il était dans son tort. En effet, il prenait ses repas avec les frères d’origine païenne jusqu’au moment où arrivèrent de Jérusalem des amis de Jacques. Mais quand ils furent là, Pierre prit l’habitude de se retirer et de se tenir à l’écart, par peur des frères d’origine juive. Tous les autres frères juifs jouèrent la même comédie que lui, si bien que Barnabé lui-même s’y laissa entraîner. Mais alors, quand je vis que ceux-ci ne marchaient pas droit selon la vérité de l’Évangile, je dis à Pierre devant tout le monde : “ Toi, tout juif que tu es, il t’arrive de suivre les coutumes des païens et non celles des Juifs ; alors, pourquoi forces-tu les païens à faire comme les Juifs ?” Nous, nous sommes Juifs de naissance, nous ne sommes pas de ces pécheurs que sont les païens ; cependant nous le savons bien, ce n’est pas en observant la Loi que l’homme devient juste devant Dieu, mais seulement par la foi en Jésus Christ ; c’est pourquoi nous avons cru en Jésus Christ pour devenir des justes par la foi au Christ, mais non par la pratique de la loi de Moïse, car personne ne devient juste en pratiquant la Loi. » (Ga 2,11‑16)
La façon de voir de Paul fut entérinée lors du premier concile, dit de Jérusalem : « L’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé de ne pas faire peser sur vous d’autres obligations que celles-ci, qui s’imposent : vous abstenir de manger des aliments offerts aux idoles, du sang, ou de la viande non saignée, et vous abstenir des unions illégitimes. En évitant tout cela, vous agirez bien. Courage ! » (Ac 15,28‑29)
Le même Pierre fit face à un autre désaccord, avec les disciples, mais ce fut lui qui fut écouté cette fois. « Les Apôtres et les frères qui étaient en Judée avaient appris que les nations païennes elles aussi avaient reçu la parole de Dieu. Lorsque Pierre fut de retour à Jérusalem, ceux qui venaient du judaïsme se mirent à discuter avec lui : “Tu es entré chez des hommes qui n’ont pas la circoncision, et tu as mangé avec eux !” Alors Pierre reprit l’affaire depuis le début et leur exposa tout en détail » et il raconte l’appel qu’il a reçu à aller chez le centurion Corneille et à lui conférer le baptême, après avoir mangé avec lui. Et il conclut : « S’ils ont reçu de Dieu le même don que nous, en croyant au Seigneur Jésus Christ, qui étais-je, moi, pour empêcher l’action de Dieu ?” En entendant ces paroles, ils se calmèrent et ils rendirent gloire à Dieu, en disant : “Voici que les païens eux-mêmes ont reçu de Dieu la conversion qui fait entrer dans la vie.” » (Ac 11,1‑18)
Qu’il se manifeste de façon évidente ou non, l’Esprit Saint peut nous surprendre, et nous devons apprendre à lui faire confiance. C’est ce que Jésus révèle à Nicodème : « Le vent souffle où il veut : tu entends le bruit qu’il fait, mais tu ne sais pas d’où il vient ni où il va. Il en est ainsi de tout homme qui est né du souffle de l’Esprit. » (Jn 3,8) Beaucoup en ont fait l’expérience, notamment André Frossard. En 1935, le futur académicien et grand ami de saint Jean Paul II entre dans la chapelle des Filles de l’Adoration à Paris : c’est là qu’il rencontre Dieu et que son existence est bouleversée. Voici comment il décrit sa conversion dans son livre-témoignage: Dieu existe, je l’ai rencontré (1969).
« Mon père aurait voulu me voir rue d’Ulm. J’y suis allé à 20 ans, mais je me suis trompé de trottoir, et au lieu d’entrer à l’École Normale Supérieure, je suis entré chez les religieuses de l’Adoration pour y chercher un camarade avec qui je devais dîner (…) Poussant le portail de fer du couvent, j’étais athée (…) L’assistance à contre-jour ne me proposait que des ombres, parmi lesquelles je ne pouvais distinguer mon ami, et une espèce de soleil rayonnant au fond de l’édifice : je ne savais pas qu’il s’agissait du Saint-Sacrement. Cette lumière, que je n’ai pas vue avec les yeux du corps, n’était pas celle qui nous éclaire, ou qui nous bronze ; c’était une lumière spirituelle, c’est à dire comme une lumière enseignante et comme l’incandescence de la vérité. Elle a définitivement inversé l’ordre naturel des choses. Depuis que je l’ai entrevue, je pourrais presque dire que pour moi Dieu seul existe, et que le reste n’est qu’hypothèse. » Une évidence faite présence qu’il dépeint ainsi : « Son irruption déferlante, plénière, s’accompagne d’une joie qui n’est autre que l’exultation du sauvé, la joie du naufragé recueilli à temps, avec cette différence toutefois que c’est au moment où je suis hissé vers le salut que je prends conscience de la boue dans laquelle j’étais sans le savoir englouti, et je me demande, me voyant par elle encore saisi à mi-corps, comment j’ai pu y vivre, et y respirer (…). » Pour le jeune André, une nouvelle vie – « la vraie vie » dit-il – a commencé. Il se sent « un nouveau-né prêt au baptême » auquel il se prépare aussitôt, en commentant : « Ce que le prêtre m’a dit sur le catholicisme, je l’attendais et je l’accueillis avec joie : l’enseignement de l’Église catholique est vrai jusqu’à la dernière virgule et j’en prenais acte à chaque ligne ». Sa mère et sa sœur ne tardent pas à le suivre sur le chemin de la conversion.
Le don de conseil est fortement lié à la 5ème béatitude : « Heureux les miséricordieux : ils obtiendront miséricorde ! » (Mt 5,7) car il nous aide à prendre les décisions qui nous font ressembler à notre Seigneur, dont la miséricorde envers nous est infinie. C’est ainsi que saint Martin, devant le pauvre à demi-nu qui grelottait de froid dans la région d’Amiens, décida de couper en deux son manteau pour lui donner la partie qui lui appartenait (l’autre moitié appartenant à l’armée romaine qui l’employait).
Quelques pépites bibliques
« En Dieu sagesse et puissance, à lui conseil et intelligence. » (Jb 12, 13)
« Vous avez récusé tous mes conseils, vous n’avez pris à cœur aucune de mes critiques. » (Pr 1, 25)
« Le chemin de l’insensé paraît droit à ses yeux, mais un sage accepte le conseil. » (Pr 12, 15)
« La vaine prétention cause des polémiques ; la sagesse est avec celui qui prend conseil. » (Pr 13, 10)
« Écoute les conseils, accepte la correction : tu finiras par t’assagir ! » (Pr 19, 20)
« Prends conseil auprès d’un homme sage, et ne méprise aucun conseil utile. » (Tb 4, 18)
Tintin et le sceptre d’Ottokar