J’ai souri quand le P. Arnaud m’a proposé de témoigner sur ce don de l’Esprit Saint…

Un clin d’œil au scientifique du Conseil Pastoral que je suis ?

 

En terminale, dans les années 60, influencé par les ouvrages et la pensée de l’agronome René DUMONT (la « coulée verte » porte son nom) j’ai décidé d’être ingénieur agroalimentaire pour contribuer à la lutte contre la malnutrition dans le monde.

A la sortie de l’École, j’ai fait mon service militaire pendant 2 ans comme coopérant au Togo dans une féculerie de manioc.

J’ai ensuite travaillé 20 ans dans l’industrie et la grande distribution alimentaire, puis les 20 années suivantes dans la recherche publique à l’Ifremer [1] où j’ai été ingénieur de recherche dans les sciences du vivant : pêche, aquaculture, écologie et biodiversité.

J’ai eu la chance et la grâce de faire toute une carrière imprégnée de science.

Aujourd’hui, retraité, je mets à disposition mes connaissances auprès du Conseil d’AgroParisTech, de fondations pour l’économie sociale et solidaire et d’ONGs de protection de la biodiversité.

 

La Science

Selon la définition du dictionnaire, c’est l’ensemble structuré de connaissances qui se rapportent à des faits obéissant à des lois objectives et dont la mise au point exige systématisation et méthode. C’est aussi la capacité de l’humain à connaître toujours davantage la réalité qui l’entoure et à découvrir les lois qui régissent la nature et l’univers.

L’approche de la recherche scientifique est un processus en trois étapes : observer – mesurer – expliquer. Elle constitue une base possible pour un accord entre les humains sur l’état du monde et de ses habitants.

La science permet de lutter contre l’ignorance qui engendre la peur, laquelle engendre la violence et la haine et les comportements irrationnels. Lutter contre l’ignorance c’est œuvrer pour la paix.

En science le doute est permanent. La vérité scientifique, aujourd’hui, ne sera pas forcément celle de demain. C’est la reconnaissance par ses pairs qui confirme le résultat des travaux. L’humilité de reconnaître que l’on peut s’être trompé ou que l’on ne sait pas sont les conditions mêmes du progrès de la connaissance. Socrate disait « Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien ».

La découverte scientifique n’est intrinsèquement ni bonne ni mauvaise, c’est l’usage qui en est fait qui en caractérise sa qualité. L’invention du bâton est une bonne chose si elle aide le vieillard pour marcher mais une mauvaise si elle permet au voleur de frapper sa victime. L’humanité est donc renvoyée à sa conscience, dans une approche éthique, pour l’utilisation des découvertes et avancées scientifiques.

La science est une des rares choses qui grandit quand on la partage.

(La mise au point d’un traitement contre le Covid-19 aujourd’hui en est un exemple).

 

La biodiversité, qu’on définit comme la fraction « vivante » de la nature, est l’ensemble de la dynamique des relations des espèces vivantes (y compris l’humain) entre elles et leur environnement changeant. Les scientifiques ont longtemps considéré la biodiversité comme une « collection d’espèces » à la manière d’un « album de timbres ». Aujourd’hui on parle de « tissu vivant » dans lequel chaque fil s’entrecroise et soutient les autres, chaque fil étant une espèce vivante interdépendante de toutes les autres. Depuis quelques années certains élaborent une nouvelle théorie selon laquelle, l’ADN étant la « brique » commune à toutes les espèces vivantes, l’ensemble des espèces à un instant t sur la planète, serait l’expression d’un seul et unique système vivant planétaire s’adaptant à un environnement donné.

Le chrétien que je suis y voit une analogie avec nos frères humains et le corps du Christ (1 Co 12-27).

 

La Science qui vient de l’Esprit Saint

Dans un ouvrage[2], le Pape François la définit : « Elle ne se limite pas à la connaissance humaine : c’est un don particulier qui nous porte à saisir, à travers la création, la grandeur et l’amour de Dieu et sa relation profonde avec toutes les créatures. Elle peut conduire à la contemplation de Dieu dans la beauté de la nature…et à un sentiment profond de gratitude ».

 

J’ai connu, pendant des campagnes océanographiques de plusieurs semaines, ce sentiment de grande exaltation devant l’immensité et la beauté de l’océan et cette sensation de petitesse et de fragilité de l’être humain devant son immensité, sa complexité et sa perfection.

 

Dans le même ouvrage2, le Pape François écrit : « La création n’est pas une propriété… nous en sommes les gardiens, non pas pour l’exploiter et la détruire mais pour la faire progresser » … Dieu pardonne toujours, nous les hommes nous pardonnons parfois, mais la création ne pardonne jamais. Si nous n’en prenons pas soin, elle nous détruira. »

 

Dans le domaine de la science en biodiversité nous savons combien elle est fragile et menacée. La 6ème des grandes extinctions des espèces qu’a connue notre planète depuis son origine est en train de se dérouler sous nos yeux. La croissance démographique, l’urbanisation, l’artificialisation des sols, la destruction et la contamination des milieux naturels, la surexploitation des ressources, l’introduction anarchique d’espèces et le réchauffement climatique sont autant de menaces pour le système vivant dont l’humain est partie intégrante.[3]

Ce n’est pas une simple crise écologique mais aussi une crise économique et sociale qui se déploie. Ce sont les plus pauvres qui en supporteront le plus les conséquences. L’édifice humain tout entier repose sur la Nature dont la biodiversité est un des visages. Il est nécessaire que l ‘écologie et l’économie s’allient pour que la première devienne plus réaliste et la seconde plus humaine.[4]

 

En juin 2015 le Pape François publie l’encyclique Laudato Si’ sur l’écologie intégrale.

Le 12 décembre 2015 s’achève la COP21 qui aboutit à un accord ambitieux entre tous les États posant les bases d’un nouveau régime climatique dont l’objectif est de contenir la hausse des températures en deçà de 2 °C et de s’efforcer de la limiter à 1,5 °C.

 

Qu’en est-il aujourd’hui ?

 

Pour conclure : le propos de la science n’est pas de démontrer l’existence ou non de Dieu. C’est là la différence entre ce qui relève de la science et ce qui relève de la foi. Mais elle peut être un chemin de foi. Je peux en témoigner.

Le physicien Albert Einstein (1879-1955) écrivait à la fin de sa vie « Ce qui est incompréhensible, c’est que le monde soit compréhensible ». Et l’homme de foi d’apporter sa réponse…..

 

Paris le 17 mai 2020

Yann Maubras

 

 

 

[1] Ifremer : Institut Français de Recherche pour l’Exploitation de la Mer

[2] Les 7 dons de l’Esprit Saint – Pape François – Paris 2015 – Éditions de l’Emmanuel

[3] La biodiversité de l’océan à la cité – L’homme pourra t’il s’adapter à lui-même ? – Gilles Bœuf – Paris 2014 – Collège de France et Fayard

[4] La vie, quelle entreprise ! Pour une révolution écologique de l’économie – Robert Barbault et Jacques Weber-  Paris 2010 – Éditions du Seuil