Le Lectionnaire du Carême[1]

 

Après une courte période dans le Temps « Ordinaire », nous voici maintenant tournés vers Pâques, avec une période de préparation et de conversion. Et ces six semaines ne sont pas de trop pour cela !

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1 – Introduction

Comme tous les temps liturgiques, le Carême célèbre le mystère pascal. Les Normes Universelles de l’année liturgique décrivent le Carême comme « ordonné à la préparation de la célébration de Pâques : la liturgie du Carême dispose en effet les catéchumènes, par les divers degrés d’initiation chrétienne, et les fidèles, par la commémoration du baptême et par la pénitence à célébrer le mystère pascal[2] ».

N’oublions pas que les dimanches de Carême, bien que faisant partie d’un temps liturgique aux accents pénitentiels, conservent le caractère festif du dimanche – le jour du Seigneur, le jour qui fait mémoire de la résurrection, le premier jour de la nouvelle création. Contrairement aux autres jours de la semaine, les pratiques pénitentielles sont donc mises de côté les dimanches de Carême[3].

Le Carême, temps fort qui prépare à Pâques, souligne alors les aspects « passion et mort » du mystère pascal de Jésus, son passage de la mort à la vie nouvelle.

 

2 – Notions historiques

C’est au IIème siècle que sont apparues les premières traces de ce qui allait devenir le Carême. Il s’agit d’abord d’un développement d’un jeûne de deux jours avant la commémoration de la résurrection. Par la suite, ce temps de jeûne et de pénitence sera étendu à toute la semaine, puis à trois semaines. Au IVème siècle, le Carême devient une période de quarante jours (latin quadregesima).

Sous le règne de Constantin (313), la reconnaissance de la religion chrétienne entraîne l’afflux de nouveaux baptisés. Le catéchuménat est structuré », donnant une saveur particulière au Carême, période propice à la préparation du baptême de ces catéchumènes.

 

3 – Choix des Evangiles

Le Carême est « organisé » en 2 sous-groupes :

–        1er et 2ème dimanches des trois années A, B et C : nous faisons mémoire de la tentation du Christ au désert et de la Transfiguration. Le récit des tentations met en avant la lutte contre les forces du péché ; quant à la Transfiguration, elle montre le Christ victorieux, mais annonçant cependant que le chemin à suivre est celui de sa mort et de sa résurrection.

–        3ème, 4ème et 5ème dimanches : ces trois dimanches ont un éclairage particulier chacune des trois années.

L’année A (orientation baptismale) fait appel à une trilogie exceptionnelle de l’Evangile de Jean : la rencontre avec la Samaritaine au Puits de Jacob (Jn 4), la guérison de l’aveugle-né (Jn 9), et la résurrection de Lazare (Jn 11). Ce choix illustre bien l’intention du concile de restaurer l’orientation baptismale du Carême. On y trouve tout à la fois une représentation des conflits politiques du début du christianisme (volonté de faire périr Jésus), ainsi que les parcours personnels de conversion (comme ceux de chacun des catéchumènes). Il n’est donc pas étonnant que ces trois textes de l’année A soient repris dans les communautés accompagnant des catéchumènes vers le baptême, y compris pendant les années B & C.

« La fusion des évangiles du Carême tirés des chapitres 4, 9 & 11 de Jean avec les scrutins du catéchuménat a produit l’effet suivant : les scrutins adoptèrent de plus en plus le langage et les images des passages évangéliques, tandis que les évangiles servirent à interpréter le processus d’initiation.[4]»

 

L’année B présente l’exaltation à venir de Jésus, à l’heure de son abaissement suprême, à partir de trois extraits de l’évangile de Jean : « détruisez ce temple ; en trois jours je le relèverai » (Jn 2), rencontre avec Nicodème (Jn 3), parabole du grain qui doit mourir pour porter du fruit (Jn 12).

L’année C présente trois extraits de Luc et Jean, mettant l’accent sur le repentir et la conversion : l’affaire des Galiléens massacrés par Pilate (Lc 13), la parabole du père et de ses deux fils – le fils prodigue – (Lc 15), la femme adultère (Jn 8). Ces trois passages nous rappellent que nous devons continuellement approfondir et nous réapproprier notre engagement baptismal par le repentir et la conversion.

 

Notre paroisse a la joie profonde d’accompagner tous les ans des catéchumènes ; et cette joie nous prive de ces textes de ces années B & C, quand nous célébrons leurs scrutins. Peut-être pouvons-nous faire quand même l’effort de les lire chacun de ces dimanches de Carême…

 

3 – Premières lectures

Les passages de l’Ancien Testament choisis pour le Carême présentent un schéma qui leur est propre. Selon la Présentation générale du Lectionnaire romain, « les lectures de l’A.T. se réfèrent à l’histoire du salut, qui est un des thèmes fondamentaux de la catéchèse de Carême. Chaque année, la série des lectures évoque les principales étapes de cette histoire, des origines à la promesse de la nouvelle Alliance, en particulier Abraham (2ème dimanche) et l’Exode (3ème dimanche) [5]».

Les textes choisis mettent donc en avant les thèmes suivants :

– 1er dimanche : histoire primitive, de la création à la Tour de Babel ;

– 2ème dimanche : moments clés de l’histoire d’Abraham ;

– 3ème dimanche : récits mettant en scène Moïse ;

– 4ème dimanche : lectures sur le thème du peuple élu habitant enfin sa propre terre ;

– 5ème dimanche : prophéties de renouveau et de restauration proclamées à la suite de l’exil à Babylone.

Remarquons que souvent ces textes sont en harmonie avec les évangiles : la chute d’Adam et Eve (Gn 2 – 1er dimanche année A) préfigure ainsi la tentation du Christ au désert. Le 2ème dimanche de l’année B, nous entendons Dieu ordonnant à Abraham : « Prends ton fils, ton fils unique, celui que tu aimes (Gn22, 2) », paroles trouvant un écho dans la voix de Dieu aux apôtres lors de la Transfiguration : « Celui-ci est mon fils bien-aimé ».

 

4 – Ecrits apostoliques

Les passages dans les écrits apostoliques ont eux aussi été choisis en harmonie. Ainsi, pour le 4ème dimanche de l’année A, saint Paul nous exhorte à vivre en fils de la lumière (Ep 5, 8-14), juste avant que nous entendions Jésus proclamer qu’il est la lumière du monde. (Jn 9, 5).

Les textes choisis présentent une interprétation du mystère pascal et nous invitent à nous l’approprier dans notre vie. Sur les quinze lectures sélectionnées, onze mentionnent explicitement la mort et la résurrection de Jésus.

 

Pendant ce temps de Carême, nous pouvons nous familiariser avec cette mise en harmonie en cherchant par nous-mêmes ces échos entre première lecture, lettre apostolique et évangile. C’est un des moyens pour nous de nous préparer chaque dimanche à la liturgie de la Parole.

 

Enfin, notons que cet aperçu de l’histoire du salut en cinq semaines, structuré dans chacune des trois années du cycle liturgique, annonce la version plus longue qui sera présentée à la Veillée Pascale.

[1]   Cette étude s’appuie grandement sur le livre « Le lectionnaire dominical » de Normand Bonneau (ed. Novalis & Cerf – 2010) et en reprend de larges extraits.

[2] Cf. NUAL n°27 (NUAL : Normes universelles de l’Année Liturgique et du Calendrier)

[3] Un calcul rapide met en évidence que les dimanches ne sont pas comptabilisés dans les 40 jours de Carême.

[4] « Le lectionnaire dominical » de Normand Bonneau (ed. Novalis & Cerf – 2010) p. 120-121.

[5] Présentation générale du Lectionnaire romain, n° 97