Une petite vidéo introductive : https://youtu.be/ouoNrFpn-uw

Une prière pour demander les 7 dons et goûter la joie des béatitudes: Prière pour les dons du SE et les béatitudes

Introduction

Que faisons-nous des dons du Saint Esprit, que nous avons reçus le jour de notre confirmation ? Si vous avez déjà fait de la voile, vous avez sans doute parfois ressenti « l’ivresse » qui nous prend lorsque le vent puissant souffle par derrière le bateau et lui permet d’avancer à grande vitesse et de surfer sur les vagues… Mais vous avez aussi connu les moments où le vent semble avoir disparu et où l’on est obligé de ramer, au propre ou au figuré, pour avancer à grand peine… Dans notre vie, il existe des moments d’ivresse où on l’on sent le souffle de l’Esprit nous pousser vers l’avant, comme les apôtres au moment de la Pentecôte (on disait qu’ils étaient « pleins de vin doux »[1]) mais il en existe d’autres (certains les diront beaucoup plus nombreux) où l’on a le sentiment de « ramer ». Nous aimerions ressembler à Yannick Bestaven, qui a gagné le dernier Vendée Globe (bouclant le Tour du Monde en… 80 jours !) mais nous ressemblons plus souvent à Gérard d’Aboville, qui traversa l’océan Atlantique en solitaire à la rame en 1980 (il fut le premier navigateur français à le faire). Cela signifie-t-il que l’Esprit Saint s’absente parfois ? Devrions-nous dire de lui, comme Elie aux prophètes de Baal : « il a des soucis ou des affaires, ou bien il est en voyage ; il dort peut-être, mais il va se réveiller » [2] ? Parfois, ce n’est pas l’Esprit qui cesse de souffler, mais c’est nous-mêmes qui ne prenons pas la peine de hisser nos voiles. Or, l’Esprit Saint nous en a offert 7 le jour de notre confirmation. Le prophète Isaïe a énuméré presque tous ces dons en annonçant le Messie à venir : « Sur lui reposera l’esprit du Seigneur : esprit de sagesse et d’intelligence, esprit de conseil et de force, esprit de connaissance et de crainte du Seigneur, qui lui inspirera la crainte du Seigneur. »[3] La Tradition chrétienne a ajouté un septième don, celui de piété, en estimant qu’il était inclus dans le terme hébreu de hesed, qui peut signifier aussi bien la crainte que la piété. Bien sûr, ces 7 dons ne sont pas offerts qu’aux chrétiens qui ont reçu ce sacrement. Comme l’ont dit les pères du Concile Vatican II, la grâce agit invisiblement dans le cœur de tout homme de bonne volonté.[4] Mais le sacrement de confirmation donne au chrétien la certitude qu’il dispose effectivement des 7 voiles, et qu’il peut ainsi ressembler à un magnifique trois-mâts et non à une petite barque fragile ou à une personne à terre.

Avec ces voiles, peu importe la direction du vent, il pourra atteindre le port s’il laisse le skipper (le Christ) prendre la barre du gouvernail.

Ainsi,  il nous faut à la fois hisser nos voiles et prier le Seigneur de nous envoyer son Souffle, confiants que c’est ce qu’Il désire Lui-même : « Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent ! »[5]

Prenons quelques exemples de vies transformées par l’arrivée de l’Esprit Saint.

Jésus lui-même, pour commencer, a été « bousculé » par l’Esprit. C’est ainsi que Marc note qu’il le « chasse au désert »[6], un terme fort qu’il reprendra lorsque Jésus chassera les démons !

Les premiers disciples étaient enfermés dans le cénacle « par crainte des Juifs »[7]. Et voilà qu’après avoir reçu l’Esprit, ils deviennent les témoins du Christ « à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre »[8], capables de résister aux autorités en affirmant : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. »[9]

Parmi les exemples innombrables chez les saints, prenons ceux des 3 Thérèse (d’Avila, de Lisieux et de Calcutta).

La première passa de nombreuses années comme une religieuse « tiède ». Elle obéissait à la règle (devenue très « souple » au fur et à mesure du temps, avec notamment la permission de nombreuses visites au parloir), mais le Seigneur l’appelait à davantage. Ce n’est qu’à l’âge de 27 ans, alors qu’elle était entrée presque 10 ans plus tôt, que Thérèse fut bouleversée devant une statue de Jésus flagellé et décida de réformer sa vie (et ensuite son ordre).  C’est sans doute en songeant à elle-même qu’elle écrira (prenant elle aussi l’image du bateau) : « Celui qui voyage sur un navire, pour peu qu’il ait bon vent, atteint le terme du voyage en quelques jours, alors que ceux qui vont par voie de terre mettent plus de temps »[10].

La seconde connut sa conversion la nuit de Noël 1886, à l’âge de 13 ans. Ecoutons-la : « Alors que j’étais vraiment insupportable par ma trop grande émotivité… en cette nuit où Il se fit faible et souffrant pour mon amour, Jésus me rendit forte et courageuse… Je sentis, en un mot, la charité entrer dans mon cœur, le besoin de m’oublier pour faire plaisir, et depuis lors je fus heureuse… Depuis cette nuit bénie, je ne fus vaincue en aucun combat, mais au contraire je marchai de victoires en victoires et commençai, pour ainsi dire, une course de géant »[11].

La troisième était une bonne religieuse, qui enseignait la géographie à des filles de bonne famille à Calcutta. C’est à l’âge de 36 ans, dans un train qui l’amenait à Darjeeling pour la retraite annuelle de sa communauté, qu’elle entendit « l’appel dans l’appel » : « Soudain, j’entendis avec certitude la voix de Dieu. Le message était clair : je devais sortir du couvent et aider les pauvres en vivant avec eux. C’était un ordre, un devoir, une certitude. Je savais ce que je devais faire mais je ne savais comment »[12].

 

L’importance des dons

Pourquoi est-ce si important de recevoir les dons du Saint Esprit ? Parce que l’être humain a été créé avec un corps, une âme et un esprit, et qu’il doit se laisser sanctifier dans toutes ces dimensions : « Que le Dieu de la paix lui-même vous sanctifie tout entiers ; que votre esprit, votre âme et votre corps, soient tout entiers gardés sans reproche pour la venue de notre Seigneur Jésus Christ. »[13] Tout comme mon corps et mon âme peuvent tomber malades, mon esprit (siège de mon intelligence, ma volonté et ma mémoire) le peut également. Il peut se laisser pervertir par l’esprit du mal. Voilà pourquoi nous devons mener un combat incessant, le combat spirituel. Tout comme je dois être vigilant sur la nourriture que je donne à mon corps et au soin que je lui apporte (notre époque nous y invite plus que jamais), tout comme je dois être vigilant sur la nourriture que j’apporte à mon âme, je dois être vigilant sur le soin que j’apporte à mon esprit. Si mon corps est malade, je vais voir un médecin. Si mon âme est malade, je vais voir un psychologue. Si mon esprit est malade, je vais voir un gourou, un imam, un rabbin, un prêtre… Sans cesse, je dois me demander quel esprit m’anime : celui du monde (dont le pape François parle tant) ? celui du diable (fortement lié au précédent puisqu’il est « le prince de ce monde »[14])? celui de Dieu ? Lors de la convalescence qui a suivi sa blessure au siège de Pampelune, alors qu’il lisait alternativement des romans de chevalerie et des vies du Christ ou des saints, Ignace de Loyola prit conscience petit à petit qu’il était animé par des esprits divers. « Son expérience l’amena à voir que certaines pensées le laissaient triste, d’autres joyeux, et peu à peu il en vint à se rendre compte de la diversité des esprits dont il était agité, l’esprit du démon et l’esprit de Dieu »[15].

Ce n’est donc pas parce que le Saint Esprit nous a été donné que nous devons considérer qu’il nous anime continuellement. Souvenons-nous de Saul, le premier roi d’Israël. Alors que dans sa jeunesse « l’Esprit de Dieu s’empara de lui »[16], plus tard le Seigneur le rejeta quand il lui désobéit[17]. Sans cesse, nous devons choisir entre les différents esprits qui nous sollicitent, comme Milou lorsqu’il doit choisir entre la mission confiée par Tintin (dont dépend le salut de tous) et le magnifique os que l’adversaire lui propose avec cette parole : « Bah ! Bah ! le message il attendra. Mais un os pareil, ça ne se rencontre pas tous les jours ! »[18] L’exemple le plus frappant est sans doute celui de Pierre à Césarée de Philippes. Alors qu’il est d’abord capable de reconnaître en Jésus le Messie, inspiré non par la chair et le sang mais par le Père qui est aux cieux[19], il se laisse guider quelques instants plus tard par l’esprit de l’adversaire qui veut empêcher Jésus d’accomplir sa mission, à tel point que celui-ci lui répond : « Passe derrière moi, Satan ! Tu es pour moi une occasion de chute : tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. »[20]

Ainsi, nous avons un combat spirituel à mener continuellement, et il peut être très rude parfois, « aussi brutal que la bataille d’hommes » disait Rimbaud.

Comment distinguer les deux esprits, sachant que « Satan se déguise en ange de lumière »[21] , à tel point que « l’enfer est pavé de bonnes intentions »[22] ? Comme dit Jésus, « c’est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez. Tout arbre bon donne de beaux fruits, et l’arbre qui pourrit donne des fruits mauvais »[23]. Or, le fruit de l’Esprit Saint est « amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur et maîtrise de soi. »[24] Au contraire, le fruit de l’esprit du mal (que Paul appelle parfois « la chair », au sens non du corps mais des tendances qui détournent de Dieu) est « inconduite, impureté, débauche, idolâtrie, sorcellerie, haines, rivalité, jalousie, emportements, intrigues, divisions, sectarisme, envie, beuveries, orgies et autres choses du même genre »[25].

P. Arnaud

[1] Ac 2,13

[2] 1R 18,27

[3] Is 11,2-3

[4] GS 22,5: « En effet, puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associé au mystère pascal ».

[5] Lc 11,13

[6] Mc 1,12

[7] Jn 20,19

[8] Ac 1,8

[9] Ac 5,29

[10] Chemin de la perfection 28,5

[11] Extraits du Manuscrit A. Quelques semaines avant sa mort en 1897, elle reparlera de cet événement :

« J’ai pensé aujourd’hui à ma vie passée, à l’acte de courage que j’avais fait autrefois à Noël ! Et la louange adressée à Judith m’est revenue à la mémoire : ‘Vous avez agi avec un courage viril et votre cœur s’est fortifié’. Bien des âmes disent : mais je n’ai pas la force d’accomplir tel sacrifice. Qu’elles fassent donc ce que j’ai fait : un grand effort ! Le bon Dieu ne refuse jamais cette première grâce qui donne le courage d’agir ; après cela, le cœur se fortifie et l’on va de victoires en victoires. »

[12] Frédéric Lenoir et Estelle Saint-Martin, Mère Teresa Biographie, France Loisir, juin 1994, p.88.

[13] 1 Th 5, 23

[14] Jn 12, 31 ; Jn 14, 30 ; Jn 16, 11

[15] Autobiographie de s. Ignace recueillie par Louis Consalvo

[16] 1S 11,6

[17] 1S 15

[18] Tintin au Tibet

[19] Mt 16,17

[20] Mt 16,23

[21] 2Co 11,14

[22] Proverbe attribué à saint Bernard au XII° siècle.

[23] Mt 7,16-17

[24] Ga 5, 22 23

[25] Ga 5,19-21