« Vous n’appartenez pas au monde »

Les paroles de Jésus dans l’évangile de ce samedi 16 mai sont déconcertantes. Il nous annonce que nous ne sommes pas du monde et que nous serons détestés et persécutés. Il y a de quoi nous troubler et nous rendre perplexe. Ce n’est pas du tout rassurant, surtout en pleine période pascale. Le Christ s’en va vers le Père, et semble laisser ses disciples dans une situation inconfortable : « Si l’on m’a persécuté, on vous persécutera, vous aussi ». Il y a donc en quelque sorte une double révélation : notre non-appartenance au monde et la persécution qui nous attend à cause de notre foi.

« Le monde » désigne, soit, la terre et les hommes qui l’habitent: « Je suis venu dans le monde » (18,37), « Le Père a envoyé le Fils dans le monde » (10,36); soit l’ensemble de l’humanité, que Dieu veut sauver: « Dieu a tant aimé le monde » (3,16), « Je suis la lumière du monde », c’est-à-dire la lumière pour tous les hommes (8,16); soit encore – et c’est le cas dans le passage de l’évangile de ce jour, ceux qui s’opposent au message de Jésus, et donc à l’initiative du Père: c’est le monde du refus de Dieu et de son salut.

Selon cette dernière acception, le monde est basé sur la loi du profit, de la réussite professionnelle et sociale, et cela parfois à n’importe quel prix. Et aujourd’hui dans notre société nous pouvons constater à quel point l’individualisme a pris le pas sur le respect des autres. Le chrétien qui vit sa foi est détesté parce que, comme le Christ, il dérange par sa morale inspirée des évangiles, il propose une logique qui contredit la logique matérialiste et consumériste, il va à l’encontre de la pensée du monde. Il n’est donc pas étonnant que celui qui vit sa foi en Jésus dans l’amour des autres soit mis au ban de la société, car il devient le miroir de ce qui manque à l’humanité pour qu’elle retrouve sa pleine dignité.

De fait, vivre la foi chrétienne dans le monde ne va pas de soi. Nous en faisons d’ailleurs l’expérience en cette période où notre foi est mise à rude épreuve.  Nous ne pouvons pas nous rassembler librement pour partager la Parole de Dieu, prier et célébrer l’Eucharistie ensemble. Mais cette situation qui est tombée sur nous comme à l’improviste est pourtant le lot quotidien de beaucoup de chrétiens dans le monde. De nombreux chrétiens à travers le monde sont ordinairement interdits de pratiques ouvertes de leur foi, d’autres sont tués. La fin du XXème siècle et le début de XXIème siècle auront été les périodes de l’histoire les plus agressives à la foi chrétienne, où le nombre de martyrs apparaît le plus élevé. Certains parmi nous ne sont pas à l’abri des persécutions dans leur famille, leur lieu de travail, à cause de leur foi.

Mais cette condition du disciple du Christ, loin de nous ébranler, doit plutôt être le signe de notre appartenance au Christ. Ainsi, de même qu’il a vaincu la haine par l’amour, nous remporterons la victoire sur le monde dans lequel nous sommes jetés. Puisse le Saint Esprit nous donner la force de continuer à témoigner à temps et à contre temps de l’espérance qui habite en nous. Que la Sainte Vierge Marie, intercède pour chacune et chacun de nous auprès de son Fils.

Père Thomas