Quelle joie de célébrer la première messe du carême avec notre archevêque, Mgr Ulrich !
Avec l’appel nominal de 7 catéchumènes, quoi seront baptisés la nuit de Pâques. 418 pour Paris !
Voici son homélie:
Bien sûr, les lectures que nous venons d’entendre – que nous connaissons bien quand nous sommes des chrétiens depuis longtemps-, elles sont faites pour nous. Elles sont faites aussi pour les catéchumènes qui sont entrés, depuis hier, dans ce que l’on pourrait appeler une dernière ligne droite avant le baptême lors de la vigile pascale dans un peu moins de 40 jours. Et donc nous entendons ces textes, ces textes-là au moins une fois tous les trois ans, et d’autres les deux autres années. Nous comprenons que Jésus a été tenté, certes Il a été tenté à cause, bien sûr, du pouvoir divin qu’Il aurait pu s’approprier. Le pouvoir qui Lui a été révélé dans le récit du baptême qui se trouve très peu de lignes avant celles que nous venons de lire. Jésus aurait pu utiliser son pouvoir de Fils de Dieu. Pour faire quoi ? D’abord pour assurer son propre bien-être, la tentation du pain, c’est celle-là, assurer sa sécurité de vie, peut-être la sienne et un peu plus que la sienne, celle de ses disciples proches, dont certainement nous faisons partie. On pourrait rêver, et dans l’Evangile cela arrive plusieurs fois, que les apôtres disent : Mais enfin Seigneur, est-ce que tu vas nous protéger nous-mêmes ? Est-ce que tu vas mettre autour de nous de la protection pour que nous soyons bien avec toi et que nous ne soyons pas ennuyés pour trouver la sécurité de notre vie ? Jésus va être tenté de cela, assurer sa propre sécurité.
Il est tenté aussi par le Diable d’une deuxième façon : Utiliser quelques moyens un peu extraordinaires pour se dispenser de vivre comme tout le monde et d’affronter les combats d’une vie quotidienne difficile. La magie de faire un geste extraordinaire, même dangereux, sauter de très haut et attendre que Dieu élimine les conditions fâcheuses, douloureuses, mauvaises, même mortelles, de ce geste incroyable. Utiliser le mirage, par exemple aujourd’hui, le mirage des technologies qui crée tellement de problèmes dans nos vies qu’on espère un peu plus de technologie pour résoudre les problèmes que notre monde a lui-même créés. Or nous sommes affrontés, jour après jour, à des problèmes qui ne sont pas technologiques mais qui sont des problèmes de relation avec les autres, des problèmes d’amitié et de fraternité, des problèmes de pauvreté auxquels nous essayons de subvenir comme nous pouvons, des problèmes de handicaps de toutes sortes. Mais la technologie ne nous apporte pas le Salut, même si elle peut faciliter notre vie.
Et puis, la troisième tentation de Jésus c’est la tentation puisqu’il est Dieu, mais cela arrive aux hommes de se prendre pour des dieux, de vouloir dominer les autres, de vouloir dominer comme un dieu, et justement, il lui est demandé de faire autrement. Jésus va renoncer à cette tentation-là. Il n’est pas besoin d’être doté d’un empire extraordinaire et d’être un chef très au-dessus de tout le monde pour être dominateur, nous en connaissons suffisamment dans le monde d’aujourd’hui, de ceux qui dominent parce qu’ils sont chefs de royaume ou d’empire. Nous le voyons et nous voyons les méfaits de guerres que cela produit. Mais il n’est pas nécessaire d’être un grand chef comme cela pour dominer les autres, il suffit d’être deux, l’histoire éternelle de Caïn et d’Abel. Dans la vie des hommes on peut être deux et vouloir dominer celui qui est à côté de nous, la tentation de la domination est une tentation, qui comme les deux premières, peut arriver à tout être humain. Et Jésus, tel que l’évangéliste le met en scène, dit que ces tentations l’ont assailli Lui aussi, que ces tentations ont été faites pour Lui, et peut-être d’une façon renforcée parce qu’Il est Fils de Dieu.
Alors certes Jésus a été tenté et nous le sommes. Mais Jésus a résisté à ces tentations. Il a résisté à la tentation de vouloir se suffire à lui-même et se contenter de son bien-être et du bien-être de ses proches. Il a résisté à la tentation de vouloir résoudre, par quelque magie, les souffrances, les douleurs, les difficultés de la vie. Voyez comment aujourd’hui on croit pouvoir éliminer les souffrances, les douleurs de la proximité de la fin de vie et de la mort. On pense que des moyens nouveaux pourraient nous dispenser de ce qui est le lot commun de l’humanité : de recevoir sa vie de Dieu et de la redonner au terme d’une existence marquée par la fraternité de l’accompagnement quotidien, par la fraternité de l’accompagnement au jour le jour devant les difficultés et les souffrances de la vie.
Jésus a aussi résisté à la tentation de dominer. Nous le savons bien, Il a cherché en permanence à se mettre au service et non pas à dominer. A faire du bien et non pas à faire entrer tout le monde dans sa manière de voir. Et comment a-t-il résisté à la tentation ? En mettant le Seigneur Dieu, son Père, toujours en premier. Et ce sont les réponses qu’il fait au Diable : L’homme ne vit pas seulement de pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu.
Ce que Jésus vit, c’est en dépendance de Dieu son Père, Lui aussi il écoute la Parole de Dieu. Non seulement Il donne la Parole de Dieu, non seulement Il est la Parole de Dieu, le Verbe de Dieu comme on dit, mais Il est aussi celui qui obéit à la Parole de son Père : « Je suis venu faire ta volonté » dit-il.
Jésus résiste avec la Parole de Dieu encore, quand Il répond au Diable : « Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu. » Ou encore : « C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras et à lui seul tu rendras un culte. » Jésus écoute la Parole de Dieu, Jésus scrute la Parole de Dieu, Il la médite, Il la fait grandir dans son cœur et Il la partage. Il n’oublie pas qu’Il est Fils de Dieu, Il n’oublie pas qu’Il vient faire la volonté de son Père, et Il nous invite à faire de même pour résister à la tentation. Se laisser instruire par la Parole de Dieu, jour après jour, la prendre comme un guide dans notre vie, non pas citer de temps en temps un verset de la Parole de Dieu qui nous arrange, mais toujours découvrir que la Parole de Dieu nous met dans la filiation, l’amitié filiale de nous pour Dieu. Nous dépendons de Lui parce qu’Il nous aime, nous l’aimons pour Lui rendre son amour.
Jésus résiste aussi à la tentation en faisant en sorte qu’on ne sache pas trop qu’Il est Fils de Dieu. Cela éclatera dans sa passion, sa mort et sa résurrection, mais tant qu’Il chemine sur les chemins de Palestine, avec les autres hommes, avec ses disciples, ses amis, ses proches, Il n’aime pas qu’on Lui attribue ce titre, Il veut être un homme parmi les hommes, capable de les aimer, capable de leur révéler la fraternité qu’ils ont à vivre, parce qu’ils sont ensemble fils de Dieu.
Et Jésus enfin, résiste à la tentation – et tout l’Evangile va nous le montrer -, en se mettant au service. En guérissant par sa parole, par son amitié, par la foi dont témoignent ceux qui Lui demandent quelque chose, la foi en Dieu. En partageant le pain, en se mettant à genoux devant les autres pour leur laver les pieds, Jésus ne cessera pas de lutter, de résister, contre les tentations qui l’assaillent parce que tout Fils de Dieu qu’Il est, Il a choisi d’être un homme comme nous.
Et ce récit des tentations nous est donné pour que nous nous mettions à sa suite, pour que nous résistions comme Lui. Nous, nous savons que nous sommes tentés, nous savons qu’il a été tenté, mais nous savons aussi qu’il a résisté pour nous montrer comment résister. Par la Parole de Dieu, par le désir d’être d’humbles fils et filles de Dieu, par le désir de nous mettre au service les uns des autres.
Que pour les catéchumènes et pour chacun d’entre nous cette parole initiale, cette parole du début du carême soit une bonne nouvelle. Le Seigneur a été tenté mais il a résisté pour que nous qui sommes tentés nous sachions résister avec Lui, avec la force qui vient de Lui, avec la vigueur de la Parole qui vient de Lui, avec le désir de servir qui a été sa façon de vivre.