Propos du pape François sur la guerre

Encyclique Fratelli tutti

« Les situations de violence se multiplient douloureusement en de nombreuses régions du monde, au point de prendre les traits de ce qu’on pourrait appeler une ‘‘troisième guerre mondiale par morceaux’’. Cela n’est pas surprenant si nous considérons l’absence d’horizons à même de nous unir, car ce qui tombe en ruine dans toute guerre, c’est le projet même de fraternité inscrit dans la vocation de la famille humaine; c’est pourquoi toute situation de menace alimente le manque de confiance et le repli sur soi. Ainsi, notre monde progresse dans une dichotomie privée de sens, avec la prétention de garantir la stabilité et la paix sur la base d’une fausse sécurité soutenue par une mentalité de crainte et de méfiance ». [23-25]

« La guerre n’est pas un fantasme du passé mais au contraire elle est devenue une menace constante. Le monde rencontre toujours plus d’obstacles dans le lent cheminement vers la paix qu’il avait initié et qui commençait à porter quelques fruits». [256-257]

« Comme le disait saint Jean XXIII, « il devient impossible de penser que la guerre soit le moyen adéquat pour obtenir justice d’une violation de droits ». Il l’affirmait à un moment de forte tension internationale et il a ainsi exprimé le grand désir de paix qui se répandait à l’époque de la guerre froide. Il a renforcé la conviction que les raisons pour la paix sont plus fortes que tout calcul lié à des intérêts particuliers et toute confiance dans l’usage des armes. Mais, par manque d’une vision d’avenir et par manque d’une conscience partagée concernant notre destin commun, on n’a pas profité, comme il le fallait, des occasions qu’offrait la fin de la guerre froide. Au contraire, on a cédé à la quête d’intérêts particuliers sans se soucier du bien commun universel. La voie a été ainsi rouverte à la trompeuse terreur de la guerre ». [243]

« Toute guerre laisse le monde pire que dans l’état où elle l’a trouvé. La guerre est toujours un échec de la politique et de l’humanité, une capitulation honteuse, une déroute devant les forces du mal. N’en restons pas aux discussions théoriques, touchons les blessures, palpons la chair des personnes affectées. Retournons contempler les nombreux civils massacrés, considérés comme des “dommages collatéraux”. Interrogeons les victimes. Prêtons attention aux réfugiés, à ceux qui souffrent des radiations atomiques ou des attaques chimiques, aux femmes qui ont perdu leurs enfants, à ces enfants mutilés ou privés de leur jeunesse. Prêtons attention à la vérité de ces victimes de la violence, regardons la réalité avec leurs yeux et écoutons leurs récits le cœur ouvert. Nous pourrons ainsi reconnaître l’abîme de mal qui se trouve au cœur de la guerre, et nous ne serons pas perturbés d’être traités de naïfs pour avoir fait le choix de la paix ». [261]

« Les lois ne suffiront pas non plus si l’on pense que la solution aux problèmes actuels consiste à dissuader les autres par la peur, en menaçant de l’usage d’armes nucléaires, chimiques ou biologiques. Car « si nous prenons en considération les principales menaces à la paix et à la sécurité dans leurs multiples dimensions dans ce monde multipolaire du XXIème siècle, comme par exemple le terrorisme, les conflits asymétriques, la cybersécurité, les problèmes environnementaux, la pauvreté, de nombreux doutes surgissent en ce qui concerne l’insuffisance de la dissuasion nucléaire comme réponse efficace à ces défis. Ces préoccupations assument une importance encore plus grande si nous considérons les conséquences humanitaires et environnementales catastrophiques qui découlent de toute utilisation des armes nucléaires ayant des effets dévastateurs indiscriminés et incontrôlables, dans le temps et dans l’espace. Nous devons également nous demander dans quelle mesure un équilibre fondé sur la peur est durable, quand il tend de fait à accroître la peur et à porter atteinte aux relations de confiance entre les peuples. La paix et la stabilité internationales ne peuvent être fondées sur un faux sentiment de sécurité, sur la menace d’une destruction réciproque ou d’un anéantissement total, ou sur le seul maintien d’un équilibre des pouvoirs. Dans ce contexte, l’objectif ultime de l’élimination totale des armes nucléaires devient à la fois un défi et un impératif moral et humanitaire. L’interdépendance croissante et la mondialisation signifient que, quelle que soit la réponse que nous apportons à la menace des armes nucléaires, celle-ci doit être collective et concertée, basée sur la confiance mutuelle. Cette confiance ne peut être construite qu’à travers un dialogue véritablement tourné vers le bien commun et non vers la protection d’intérêts voilés ou particuliers ». Et avec les ressources financières consacrées aux armes ainsi qu’à d’autres dépenses militaires, créons un Fonds mondial, en vue d’éradiquer une bonne fois pour toutes la faim et pour le développement des pays les plus pauvres, de sorte que leurs habitants ne recourent pas à des solutions violentes ou trompeuses ni n’aient besoin de quitter leurs pays en quête d’une vie plus digne ». [262]