Quand ils se furent bien moqués de lui, ils lui enlevèrent le manteau de pourpre, et lui remirent ses vêtements. Puis, de là, ils l’emmenèrent pour le crucifier. (Mc 15, 20)
(Crédit photos : Bruno Parnaudeau)
Maintenant, Jésus est revêtu de ses vêtements, de sa seule humanité, douloureuse et sanglante, sans aucun signe de sa divinité. Il porte sa croix (1), une croix immense, si longue, qu’elle se prolonge au-delà du tableau. Le voilà donc ce bois qui lui rappelle son enfance. Il l’avait travaillé sur l’établi de Nazareth, il en reconnaît l’odeur et le contact. Mais ici c’est une traverse mal équarrie qui pèse de tout son poids sur sa nuque, qui dans ses mains enfonce des échardes. C’est la Croix de nos fautes, de nos reniements qui repose lourdement sur ses épaules, à l’image de cet homme, à gauche, qui appuyant sur la croix, la rend plus lourde encore ; à l’inverse, celui de droite, de bonne volonté en soulève l’extrémité pour en alléger le poids.
Dans un geste analogue à celui de Pilate, Jésus tend son bras gauche, cependant il n’accuse pas, mais il semble prendre à témoin cette première communiante, image du peuple chrétien de toutes les époques. On peut s’étonner de la représentation à peine esquissée, dans l’ombre, du visage de Jésus. Desvallières explique : « Le visage authentique du Christ ne m’intéresse pas, ni le pittoresque historique. Le véritable Christ, c’est dans notre cœur que nous le trouvons » (2). De même les anachronismes volontaires s’inscrivent dans cette perspective. Ainsi la communiante lie le temps présent à l’évènement fondateur et trouve ainsi sa place près de la croix.
La répétition de certains éléments formels ou symboliques (l’arche par ex) assure la cohésion des quatorze panneaux. L’unité chromatique unifie l’ensemble par les harmonies fortes des bruns, des gris, topaze et ocre rouge. Des feuilles vertes (signe d’espérance, de renouveau), apportent des touches de couleur vive. Utilisant le clair-obscur, le peintre joue de l’ombre et de la lumière. Celle-ci, provenant de la gauche du tableau, éclaire la tunique longue et souple du Christ et la sculpte de reflets dorés. L’artiste y a appliqué de longues touches de peinture sèche. Le reste de la composition reste d’une facture nerveuse et hachée dans un style expressionniste qui lui est personnel.
Martine
(1) Le supplicié portait sa croix ou selon les sources, uniquement la branche horizontale (le patibulum) de la croix jusqu’au lieu de l’exécution où le poteau vertical (le stipes) était généralement fixé de manière permanente dans la terre.
(2) Pie-Raymond Régamey, Desvallières au Saulchoir, La Vie intellectuelle p. 658