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Je débuterai mon témoignage par la citation suivante de l’Abbé Huvelin qui fut le directeur de conscience de
Saint Charles de Foucaud : « on n’est jamais qu’au commencement de l’amour… »
Après m’avoir laissée errer loin de la foi pendant plus de 20 ans, le Seigneur, avec beaucoup de patience, m’a
ramenée dans le giron de la Sainte Eglise il y a bientôt une dizaine d’années.
A la sortie de ma première messe au Saint-Esprit, la Providence a voulu qu’il y avait dans le narthex, le groupe
Saint-Vincent de Paul, les ainés et les plus jeunes, qui présentait ses activités. Attirée par le stand de Saint Jean Eudes, je me suis approchée de Jean-Marc OSSOGO qui était responsable du groupe à l’époque. Celui-ci m’a tant et si bien vanté les mérites de leurs actions que dès le premier mardi soir venu, j’ai frappé à la
porte des maraudes et l’on m’a accueillie avec simplicité et amitié. Pendant plus d’une année, j’ai maraudé
tous les mardis soir, retrouvant à chaque fois avec plaisir les bénévoles et les mêmes personnes de la rue qui
m’étaient devenues peu à peu familières. Avec le temps, je me suis un peu éloignée happée par d’autres
activités au sein de la paroisse. Pourtant, l’été venu, je reprends encore une ou deux fois le chemin des
maraudes avec Pascaline. Bien que plus âgées que les autres bénévoles, nous sommes accueillies comme si
nous maraudions avec eux depuis toujours. Le temps n’a pas de prise sur la charité.
Le 3ème dimanche du mois, je me suis également présentée au goûter solidaire. L’accueil fut un peu plus
mitigé. Il y avait là des personnes d’un certain âge qui participaient à cette activité depuis plusieurs années
et l’arrivée d’une nouvelle bénévole venait bousculer leurs habitudes et leurs manières de faire. Il faut dire
que l’on ne se refait pas et que je n’avais pas pu m’empêcher de leur dire que l’on pouvait s’organiser un peu
différemment pour être plus efficace dans notre fonctionnement. Avec patience et persévérance et avec la
bienveillance de Jean-Marc, je me suis intégrée et c’est encore aujourd’hui avec une grande joie que je
participe à ces goûters et que j’ai à cœur de faire venir et d’accueillir de nouveaux bénévoles.
Nous accueillons à chaque fois entre 20 et 25 personnes qui reviennent régulièrement depuis des années,
certaines depuis plus de 10 ans, et qui, sans être devenues des amies, nous sont devenues proches et avec
qui des liens de fraternité se sont tissés. Avec le temps, nous avons appris à connaître les habitudes des uns
et des autres : Christian prend toujours du lait avec son café, Annie n’aime pas le chocolat, …
Pourtant, nous savons peu de choses sur ces accueillis que nous ne questionnons pas. Certains se livrent
parfois avec une émotion retenue. Au-delà du café et des gâteaux que nous leur servons, l’essentiel est de
leur faire sentir qu’ils sont les bienvenus parmi nous et que nous avons plaisir à être là pour les écouter,
partager un moment avec eux.

Le goûter solidaire est un formidable creuset où se mêlent toutes les générations de bénévoles portés par le
même désir de servir ceux qui sont seuls, qui sont isolés, mis à l’écart de la société. Notre plus jeune bénévole
avait 7 ans, il s’appelait Joseph et venait avec ses parents. Avec sa bonne volonté et son innocence en
bandoulière, il avait su se faire accepter par tous et faire sa place au milieu des adultes. C’est avec tristesse
que nous l’avons vu partir l’année dernière quand ses parents ont déménagé. La bénévole la plus âgée que
nous avons eue venait avec ses deux béquilles. Pas facile de faire le service ainsi ! Elle avait donc pour mission
de s’asseoir à la table d’accueillis et de discuter avec eux, ce qu’elle faisait avec délectation de sa petite voix
chevrotante. Chacun vient comme il est, il y aura toujours une place pour lui.

J’en reviens à mes premiers pas dans la charité. L’hiver de la même année avec la Conférence Saint-Vincent
de Paul, j’ai également frappé à la porte d’Hiver Solidaire. J’ai été accueillie par la douce Daniele et le pétillant
Jean-Claude qui m’ont montré par leur exemple que la charité, ce n’est pas seulement de la bonne volonté,
qu’il faut savoir aussi se défaire de ses préjugés, être attentifs à la violence de certains accueillis, voire à la
manipulation, savoir également poser des limites à son propre engagement et à ceux que l’on accueille.
L’accueil inconditionnel n’existe pas et le discernement doit nous guider lorsque nous intégrons des
nouveaux accueillis. En effet, le vivre ensemble ne s’improvise pas et nécessite un juste équilibre entre les
attentes et les personnalités de chacun des accueillis. C’est toujours avec tristesse et avec un sentiment
d’échec que l’on doit se séparer d’un accueilli.

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Hiver Solidaire, c’est une école de patience et d’humilité. De patience parce que chaque accueilli est différent,
arrive avec sa vie cabossée comme bagage, qu’il faut s’apprivoiser jour après jour, que sans être intrusif, il
nous faut lui montrer qu’on s’intéresse à lui, vivre la fraternité de manière incarnée.
D’humilité, car si l’on veut créer un climat de confiance, le bénévole doit s’oublier, laisser de côté ses
certitudes sur la vie « normale », accueillir les mains nues la réalité de la vie des accueillis, leur galère au
quotidien. D’accueillant, le bénévole devient accueilli.
Hiver Solidaire ne fonctionnerait pas sans les bénévoles. Aussi, il est important de bien les accueillir
également, qu’ils sachent qu’ils ont trouvé leur juste place dans cette organisation et qu’ils comptent.
Certains arrivent avec une charité idéalisée et il nous incombe de les ramener avec délicatesse sur le rivage
de la vraie vie sans les décourager pour autant.

Malgré les apparences ou ce que l’on peut entendre, l’accueil et la fraternité existent entre les groupes de la
paroisse. Que serait Hiver Solidaire sans les Vestiaires que nous sollicitons régulièrement pour habiller nos
accueillis ? A chaque Noël, la Conférence Saint-Vincent de Paul réserve cinq colis cadeaux pour nos accueillis.
Mais il y a également une fraternité plus discrète qui se créé au fil des jours et des opportunités. Ainsi, la
semaine dernière, j’ai sollicité Denis Serrurier des Vestiaires pour une valise pour un de nos accueillis. Il m’a
répondu qu’il n’en avait plus (je l’avais déjà sollicité deux semaines auparavant pour une valise) mais il m’a
dit de m’adresser à Marie-Thérèse BONNEFILS qui s’occupe de la brocante. J’ai appelé Marie-Thérèse qui a
aussitôt répondu positivement à ma demande.
Chacun à sa manière tisse la tunique de la charité. C’est par des actions, aussi petites soient-elles en
apparence, que nous construisons sans bruit la fraternité.

Pour conclure, je voudrais parler en quelques mots de l’accueil missionnaire. Nous accueillons à Hiver
Solidaire et au goûter solidaire des personnes croyantes et non croyantes ou d’autres religions. Mais il est
dans notre ADN de témoigner de notre foi. Ainsi, nous démarrons le goûter solidaire par un Notre Père et un
Je vous salue Marie et le diner à Hiver Solidaire démarre par un bénédicité. Croyants et non croyants sont
debout durant ce temps de prière, les non-croyants écoutant respectueusement. Nous ne cherchons pas à
convertir nos accueillis mais c’est par nos paroles, nos actes, notre gentillesse que nous sommes les témoins
de notre foi.
En effet, nous pouvons tous être acteurs de l’accueil missionnaire : il y a quelques mois, dans la rue, à la
sortie d’un goûter solidaire, je fus interpelée par deux de nos accueillis : « Vous souriez tout le temps,
comment vous faites : vous avez l’air heureuse ?» et spontanément je leur ai répondu « c’est grâce à l’Esprit
Saint ! ». Ils m’ont regardée interloqués. Je n’ai rien rajouté d’autre. Une petite graine avait été jetée, il ne
m’appartient pas de dire si elle portera du fruit mais de l’arroser à chaque occasion qui se présentera.
Enfin, hier soir nous avions notre diner de clôture de notre accueil d’Hiver Solidaire et dans le petit discours
que j’ai prononcé, il m’a paru important de remercier nos accueillis, car à chaque fois, nous en ressortons
transformés : avec le peu que nous leur donnons, ils nous donnent beaucoup en retour et parmi ce beaucoup,
il y a la joie.

 

Marie Hélène Morin,

membre du Conseil Pastoral