Bonsoir à tous
Je suis très émue d’être là ce soir pour apporter la voix des soignants, en ce dimanche où nous fêtons la Divine Miséricorde.
Je souhaite vous dire toute mon affection à ceux qui ont perdu un être cher cette année, que ce soit de la covid-19 ou pas.
Tous les jours, le nombre d’âmes disparues à cause du Covid.19 s’égrène, et l’on oublie celles qui n’ont pas eu une intervention, ou qui ne sont pas aller à l’hôpital à temps, aggravant leurs pathologies. passant ainsi de vie à trépas.
J’ai une pensée, à tous ceux qui ceux qui travaillent, et qui nous permettent de vivre plus ou moins normalement. Première ligne, deuxième, et tous les autres que l’on ne voit pas.
En un an, comment allons-nous ? Va-t-on pouvoir aller bien ?
Difficile de répondre, car nous n’avons aucune visibilité. Nous sommes épuisés, fatigués, démoralisés, physiquement, psychologiquement et physiologiquement.
Qu’est ce qui nous tient ? Encore une bonne question. C’est ce notre travail, personne ne le fera à notre place donc faut y aller. Et pourtant bon nombre d’entre nous sont tombés.
Dans notre détresse de ne pas être entendu par nos gouvernants, certains d’entre nous se voient persécuté, jeté hors de leur habitation, car soit disant porteur de virus, car soignants.
Nous ne disons plus que nous sommes soignants, ou prions pour que nos voisins aient oublié que nous le sommes.
Faut tenir et y aller. « Quoiqu’il en coûte qu’il a dit » Mais il n’a pas dit combien ça coûterait aux soignants, à la population !
Nous avons appris à soigner, à soulager, à accompagner parfois, mais pas aussi souvent, voire plusieurs fois par jour. 300 âmes nous quittent par jour, c’est dramatique, c’est ce qui est dur à encaisser.
La covid-19, a retiré de notre langage certaines phrases rassurantes comme : « ne vous inquiétez pas », « ça va aller », « c’est un mauvais moment à passer », « vous allez bientôt sortir » ……
Avec la Covid.19, nous avons dû nous réinventer, tenter de rassurer, habillés comme des cosmonautes, avec des gants, sans contact, avec que les yeux pour exprimer ce que l’on peut dire, ni ressentir est juste impossible. Happy masque quoiqu’il en coûte.
La gestion de la charge émotionnelle devient compliquée quand elle est importante et dure depuis 1an et va crescendo depuis octobre 2020. Et ce n’est pas parce que les chiffres baissent que la tension dans les services critiques baisse.
A vous les proches, oui c’est injuste que vous ne puissiez voir vos malades, mais combien ont été infectés par un proche qui est aujourd’hui en réanimation, voir les couples laissant les enfants seuls ?
Combien de fois avons-nous entendu, c’est ma mère, mon frère, mon père, mes grands-parents, ma sœur…le virus lui affecte tout le monde, et il aime toucher surtout dans les familles.
Votre détresse, nous la comprenons, elle nous met mal à l’aise, car pesante, douloureuse. Le transfert est rapidement fait avec notre propre situation. Vos histoires, sont nos histoires, vos pertes nous la partageons avec la culpabilité d’avoir failli.
Avec la Covid, nous ne pouvons vous rassurer, ni donner d’espoir. Nous entendons vos suppliques, et ferons de notre mieux. Chaque jour est un enjeu émotionnel, un défi médical car, on ne sait pas qui sera encore avec nous à la fin de notre service.
Auprès de qui nous allons passer 3h dans la chambre, en déployant tout ce qu’il est possible pour le maintenir et ne pas avoir à passer ce coup de fil que personne ne souhaitera recevoir.
Tout ça nous demande une énergie de dingue, un investissement à 100%, être en alerte constante. Vivre chaque jour, comme si c’était le dernier, prend tout son sens.
Quand une famille rentre dans un service Covid, ce n’est jamais bon, dans la douleur il faut sécuriser les familles, en les habillant, leur donnant les consignes de non-propagation du virus. Nous veillons à la sécurité de tous.
Apaiser, être à l’écoute, ravaler ses larmes devant la détresse, l’incompréhension des familles, trouver les bonnes réponses à des questions qui n’ont pas de réponse, expliquer encore et encore car la douleur rend sourd. La douleur partager avec vous est juste, un exercice de funambule sans balancier.
Dans ces moments douloureux, je me ressource en notre Seigneur, j’ai toujours une louange dans tête et hop ça repart, enfin en illusion externe, ne rien laisser entrevoir. Le soir j’suis morte de fatigue, Ko technique, les surrénales vidées, je suis incapable de rien.
Soyez assuré chers familles, proches que chaque patient est accompagné en prière. A ceux qui disent Salam, la Sourate Yacine les accompagnera.
A ceux qui disent Shalom le kaddish leur permettra de rejoindre le Père.
A ceux qui prient le père, le Fils et le saint esprit, l’extrême onction peut leur être donnée après accord du Directeur d’établissement, sinon avec des collègues nos prières les accompagneront.
A nos amis maronites les chants de St Charbel les accompagneront.
« Le Seigneur est mon berger : je ne manquerai de rien
Sur des prés d’herbes fraîches, il me fait reposer »
Grâce au seigneur j’accompagne, chacun quelque soit sa religion, ses convictions. Je vous invite en ce jour de la miséricorde Divine à nous plonger tous ensemble dans l’océan de sa miséricorde pour le salut de nos et leurs âmes.
Encore merci pour ce beau de fraternité.