Saint Paul et les Pères et Docteurs de l’Église  d’Occident  (3)

 

Entre la partie supérieure de l’œuvre où l’Esprit souffle sur la première communauté chrétienne, et le niveau intermédiaire où il se répand sur les pères des Églises latine et grecque, Maurice Denis a installé l’apôtre Paul.

Saint Paul

Debout, immobile, bras droit levé la main ouverte, en signe d’accueil, de paix, il tient dans sa main gauche un livre, rappel des lettres qu’il fit parvenir aux nombreuses communautés qu’il visita. M. Denis lui a donné son visage. L’apôtre porte une tunique blanche et un manteau (latin «pallium») en laine qui  était l’habit des premiers disciples : « et si quelqu’un veut te poursuivre en justice et prendre ta tunique, laisse-lui encore ton manteau. » (Matthieu 5, 40). La couleur bleue tranche sur l’unité chromatique de l’ensemble.

 

A la partie supérieure, la ligne souple, serpentine, met les personnages en mouvement. Rien de semblable au-dessous où raides, statiques, se tiennent les grands théologiens du passé sur l’autorité desquels l’Église a fondé sa doctrine et sa Tradition. Maurice Denis écrit «Il ne faut pas déplacer l’intérêt du sujet sacré par la recherche de la plastique et du pittoresque»

A gauche, dans une arcade, M. Denis a figuré la basilique Saint Pierre de Rome. Les saints personnages représentés sont tous des Docteurs* de l’Église et parmi eux se distinguent les quatre Pères** de l’Église latine : saint Hilaire de Poitiers, saint Ambroise de Milan, saint Augustin et saint Grégoire. Ils sont revêtus de leurs habits sacerdotaux : une chasuble sur laquelle est placé le pallium, une bande en laine blanche marquée de six croix rouges, ornement liturgique dérivant du manteau antique porté ici par st Paul ; les papes portent une tiare et les évêques une mitre. Un attribut particulier à chacun permet de les identifier.

 

Devant saint Paul et tenant sa crosse d’évêque en bois, M. Denis a placé St Hilaire de Poitiers.

Saint Hilaire de Poitiers (Poitiers v.315- Poitiers v.367)

Hilaire fut, au milieu du IVe siècle, le premier évêque de Poitiers. Exilé en Phrygie pour avoir défendu la foi trinitaire dans une Gaule acquise à l’arianisme, il rédige son ouvrage le plus connu, «De Trinitate». Il a développé sa théologie trinitaire à partir de la formule baptismale donnée par le Père : «au nom du Père, du Fils et de l’Esprit». Revenu d’Orient, il reprit, à Poitiers, sa mission de défenseur acharné de la foi chrétienne.

 

Saint Jérôme  (Stridon (Dalmatie) v. 345 – Bethléem 420 )

Après avoir fait l’apprentissage de la vie monastique dans le désert en Syrie, il est ordonné prêtre à Antioche. Sa grande culture fait de lui le secrétaire du pape Damase Ier à Rome à la fin du IVe siècle. Il  lui demande une œuvre gigantesque à laquelle Jérôme consacra toutes ses forces de méditation, d’intelligence et de foi, la  « Vulgate », traduction latine de la Bible. A la mort du pape il se retire à Bethléem pour y mener la vie monastique.

La marque de confiance que le pape lui a accordée explique que la tradition et l’iconographie lui reconnaissent la qualité de cardinal – bien que cette  dignité ne soit vraiment définie qu’au XIes- . Pour cela Maurice Denis le représente avec le chapeau et le vêtement appropriés à sa qualité.

 

Saint Ambroise de Milan (340-397)

En 374, Ambroise, gouverneur de Milan et encore catéchumène, est désigné pour gouverner ce siège épiscopal célèbre. Baptisé en novembre de cette même année, il est consacré évêque une semaine plus tard. Habilement et avec force, il défend la liberté de l’Église face à l’empereur Théodose dont Milan est alors la capitale, il enseigne la doctrine de la vraie foi contre les ariens. Il a une influence décisive dans la conversion du futur saint Augustin.

Par la représentation d’abeilles autour de la tête de saint Ambroise, M. Denis rappelle la légende selon laquelle, encore enfant, le jeune Ambroise s’étant endormi, des abeilles vinrent se poser sur ses lèvres, entrant et sortant de sa bouche, déposant un peu de miel sur son visage quand elles s’envolèrent. On considéra cela comme l’augure de la douceur des écrits du prélat.

 

Saint Augustin (354-430)

Dans ses «Confessions» (397-401) Augustin raconte sa jeunesse mouvementée à Thagaste (Algérie), à Rome, à Milan, la crise qui aboutit à sa conversion et au baptême, son sacerdoce et son épiscopat en 396 à Hippone (Afrique du Nord). Il meurt en 430 dans cette ville assiégée par les Vandales.

Héritier de la culture philosophique antique, rhéteur autant que prédicateur populaire, il joue un rôle décisif dans l’élaboration, en Occident, d’une culture et d’une civilisation chrétiennes par sa parole, sa pensée, et ses écrits dont «La Cité de Dieu» (413-426).

Inspiré, il tient une plume et un ouvrage dans lequel il s’apprête à écrire.

 

Saint Léon le Grand (fin du IVes – 461), Léon Ier, Pape

Ordonné prêtre à Rome, il accomplissait une mission en Gaule quand il fut élu Pape. Il gouverne l’Église pendant vingt ans à une époque troublée. Il sauve Rome des hordes d’Attila mais ne peut empêcher le sac de la ville par les Vandales en 455. Pour l’Église, il combat les hérésies avec vigueur au concile de Chalcédoine (451). Les six cents évêques présents déclarent, après l’avoir entendu : « Pierre a parlé par la voix de Léon ». Il fut le seul, avec saint Grégoire, à qui la postérité a donné le qualificatif de « Grand ».

Vêtu de rouge, il tient une croix processionnelle à trois croisillons d’inégale longueur.

 

Saint Grégoire le Grand  (540-604), Grégoire Ier, Pape

Haut fonctionnaire à Rome, devenu moine, puis ordonné diacre, chargé de représenter Rome à Constantinople, il est élu Pape le 3 septembre 590. Il fixe la liturgie, réforme la discipline ecclésiastique, intervient en Espagne et en Afrique du Nord contre les hérétiques.

Saint Grégoire est accompagné d’une colombe, image du Saint-Esprit, dont il reçoit la parole divine.  L’oiseau semble lui parler à l’oreille. Cette légende est liée aux importantes réformes accomplies par ce pontife. L’importance de son œuvre lui vaut le titre de «Grand». Il meurt à Rome en 604

 

Martine

 

 

* Docteur de l’Église  « L’Église attribue officiellement ce titre à des théologiens auxquels elle reconnaît une autorité particulière de témoins de la doctrine, en raison de la sûreté de leur pensée, de la sainteté de leur vie, de l’importance de leur œuvre »,  la Conférence des Évêques de France.

 

** Jean-Paul II dans la lettre « Patres Ecclesiae » (1980), appelle «Pères» : «les théologiens de l’Antiquité qui, par la force de leur foi, par l’élévation et la fécondité de leur doctrine ont donné à l’Église une vigueur nouvelle et un nouvel essor. Ils sont vraiment les ‘Pères’ de l’Église car c’est d’eux, par l’Évangile, qu’elle a reçu la vie. Ils sont également les bâtisseurs puisque, sur la base de l’unique fondement posé par les apôtres, (……) ils ont édifié les premières structures de l’Église de Dieu.»