Appel à la sainteté
Frères et sœurs,
L’évangile du jour est un clin d’œil que le Seigneur me fait pour ma première homélie dominicale. Parce que ce texte de l’homme riche est celui dont je me sers lorsqu’on me demande de raconter ma vocation. Alors, avec vous, je voudrais lire ce récit qui semble aboutir à une impasse comme un récit de vocation… Et non seulement de vocation particulière, mais aussi et surtout de notre vocation baptismale.
Nous sommes tous appelés par Jésus ! Nous sommes tous appelés à la sainteté, qui prend des formes diverses selon nos états de vie, mais cet appel à la sainteté est universel ! C’est ce que le pape François a particulièrement souligné dans son exhortation apostolique sur l’appel à la sainteté dans le monde actuel, en 2018. Il écrit, je cite: « Nous sommes tous appelés à être des saints en vivant avec amour et en offrant un témoignage personnel dans nos occupations quotidiennes, là où chacun se trouve. Et c’est là que notre récit de l’homme riche vient nous interpeller. La demande qu’il adresse au Christ est celle-ci : que dois-je faire pour avoir la vie éternelle ? Et qu’est-ce que la sainteté, sinon entrer dans cette vie éternelle, participer à cette vie divine ?
Alors, comment être des saints ? Prenons le temps d’observer la réponse de Jésus pour saisir quelques pistes nous conduisant à la sainteté. Je vais en prendre 5 avec vous correspondant aux 5 doigts de la main.
Tout d’abord, il y a ce désir de l’homme riche de la vie éternelle. Un désir qui perçoit que la vie matérielle ne suffit pas, mais qu’il y a besoin d’être ouvert sur un après. Besoin d’aller plus loin… D’où cette demande adressée à Jésus. L’homme riche se jette à ses pieds, parce qu’il a cette conscience que les biens dont il dispose ne lui suffisent pas. Il lui manque quelque chose. C’est le pouce. Celui avec lequel on dit « stop » dans la cour de récré. Ce pouce qui nous dit ici : il faut que je m’arrête un peu, pour faire le point, pour regarder plus haut, plus loin, que mon quotidien. Saisir l’importance de la vie éternelle, avoir cet attrait pour elle.
Ensuite a lieu un premier échange entre Jésus et cet homme. Jésus le renvoie au Décalogue, aux 10 commandements. Jésus met le doigt sur un niveau 1, un premier palier nécessaire : le respect des commandements. C’est une sorte de minimum vital. Et Jésus insiste particulièrement sur les commandements qui concernent la relation aux autres à ce moment-là. L’appel à la sainteté, dont nous bénéficions tous, nous invite à avoir une relation juste avec ceux qui nous entourent… Ce respect des commandements est donc nécessaire… mais pas suffisant. C’est un préalable. C’est l’index. Le doigt avec lequel on peut dire « attention ». Si on n’est pas déjà attentif à ce minimum vital, on ne peut aller plus loin.
Et comment, justement, aller plus loin ? Il y a ici une bascule dans le texte de Marc. « Jésus posa son regard sur lui et il l’aima ». Jésus pose son regard sur cet homme. La Lettre aux Hébreux nous disait au sujet de la Parole que « pas une créature n’échappe à ses yeux, tout est nu devant elle, soumis à son regard ». Jésus est la Parole, le Verbe fait chair. C’est donc ce qui se passe ici avec cet homme. Il est comme « nu » devant le regard de Jésus : non pas une nudité honteuse, mais une nudité dans le sens où Jésus voit cet homme tel qu’il est, et non tel qu’il apparaît aux autres, avec tous ses biens. Jésus voit cet homme pour ce qu’il est. Et il l’aime. Cet appel à la sainteté, il est fondé sur l’amour de Dieu pour chacun de nous personnellement ; c’est lui qui est central. Tout appel du Christ est enraciné dans l’amour. Un amour pour notre humble personne, en dehors de tout ce qui peut la masquer, l’encombrer. C’est notre majeur : le doigt le plus long, le doigt central. L’amour de Dieu au centre. Notre appel à la sainteté est ancré dans cet amour que Dieu a pour nous, et auquel il s’agit de répondre.
Restent alors deux doigts, deux étapes. La première, c’est d’aller plus loin que le respect des commandements. Jésus appelle l’homme riche à tout quitter pour le suivre. Il y a un certain dépouillement, un certain détachement par lequel il faut passer. Il faut être libre. Pour l’homme riche, c’est un renoncement à la fortune, mais aussi au confort qui va avec, à la position sociale peut-être, à une certaine sécurité en tout cas. Parce que l’invitation du Christ est une invitation à l’inconnu. Va, vends ce que tu as, puis viens, suis moi. Nul ne sait ce que cela veut dire de suivre le Christ, et certainement pas l’homme riche. Pierre et les disciples, en quittant tout, ne savaient pas où ça les mènerait. Mais c’est là ce à quoi le Christ nous invite. A aller plus loin que le simple des commandements, pour entrer dans une véritable alliance avec lui.
Ce détachement, c’est ce que le livre de la sagesse nous suggérait déjà: ce que Salomon demande à Dieu, ce n’est pas du confort, ce n’est pas de la richesse, de la santé, mais le don de discernement. Vivre à la suite du Christ, c’est bien cela: c’est quitter le confort des certitudes, et peut-être aussi le confort des commandements, pour discerner chaque jour ce qu’il est bon que je fasse pour être dans cette alliance avec lui. Quatrième étape donc, c’est l’annulaire, doigt de l’alliance : se détacher de ce qui nous enferme pour suivre le Christ en toute confiance. Etre dans cette pleine alliance avec Dieu. C’est sur celle-ci que l’homme riche achoppe.
Cinquième et dernière étape, enfin, ce rappel du Christ: pour les hommes, c’est impossible, mais pas pour Dieu ; car tout est possible à Dieu. C’est l’étape qui correspond à l’auriculaire, à notre petit doigt : l’humilité. Reconnaître que dans cet appel à la sainteté, nous ne pouvons faire les choses seuls. Il nous faut l’aide de Dieu, l’appui de sa grâce, pour répondre pleinement à son appel. Rien n’est impossible à Dieu. Reconnaissons-nous petit devant Dieu, pour qu’il vienne en aide à nos faiblesses.
Si je récapitule :
- Pouce: prendre du recul sur sa vie quotidienne pour voir plus loin
- Index : Un respect des commandements, minimum vital
- Majeur : Un appel enraciné dans l’amour
- Annulaire: Un détachement pour faire alliance avec Dieu
- Auriculaire: L’humilité, pour s’en remettre à la grâce de Dieu.
L’homme riche semble ne pas parvenir à répondre à cet appel. Mais j’ai quelque part au fond de moi un certain espoir : j’espère que cet homme après un certain temps, est revenu vers le Christ. Mais si l’Evangile ne nous le dit pas, c’est peut-être que c’est à chacun de nous d’écrire la fin de son histoire, en répondant à cet appel ? Dieu nous tend la main, saurons-nous la saisir ?
Nicolas Poulain, diacre