Il a la vie éternelle, celui qui croit
Frères et sœurs, comment pouvons-nous goûter à la vie éternelle ? Je ne parle pas de la vie sans fin que certains recherchent aujourd’hui à travers les progrès de la science (on les appelle les transhumanistes), mais de la vie que le Christ veut nous offrir : « Amen, amen, je vous le dis : il a la vie éternelle, celui qui croit. » Cette vie-là est la vie divine, tout simplement. Elle nous permet d’expérimenter les paroles du psalmiste : « Je bénirai le Seigneur en tout temps, sa louange sans cesse à mes lèvres. Goûtez et voyez : le Seigneur est bon ! Heureux qui trouve en lui son refuge ». Mais comment bénir le Seigneur lorsque nous souffrons ? Parfois, nous pouvons être éprouvés au point de ne plus désirer vivre, mais au contraire mourir, comme le prophète Elie : « il demanda la mort en disant : “Maintenant, Seigneur, c’en est trop ! Reprends ma vie : je ne vaux pas mieux que mes pères.” » (1° lect.) Mais comme Elie qui est sorti de sa dépression et a retrouvé le goût de vivre et la force d’accomplir sa mission, nous aussi pouvons goûter la vie éternelle dès ici-bas. Pour cela, nous devons suivre son exemple en 3 étapes. La première est de savoir nous reposer et nous ressourcer. La deuxième est de nous convertir. La troisième est de contempler le Seigneur.
Pour commencer, nous devons apprendre à nous reposer et à nous ressourcer. Il peut nous arriver en effet de connaître non seulement la fatigue, mais aussi la déprime voire la dépression, à l’instar du prophète Elie. Il est poursuivi par la reine Jézabel, parce qu’il a ordonné un peu plus tôt le massacre des 450 prophètes de Baal qu’elle protégeait. Non seulement il connaît la peur d’être arrêté et exécuté, mais aussi peut-être la culpabilité d’avoir ordonné ce que Dieu ne lui avait pas demandé. La chaleur du désert ajoute encore à sa fatigue, au point qu’il demande la mort au Seigneur.
Comment a-t-il retrouvé ses forces ? D’abord en dormant et en mangeant, ce qui nous rappelle la place que nous devons donner à nos corps, « temples de l’Esprit Saint ». Lorsqu’on écoute les athlètes qui ont remporté des médailles aux Jeux Olympiques, tous soulignent l’importance du sommeil et de la nourriture, et plus largement du soin apporté à leur corps. Mais tous disposent aussi dans leur équipe d’un préparateur mental, qui les aide à se ressourcer dans leur psychisme. Cet aspect-là s’est beaucoup développé ces dernières années, après que bon nombre de sportifs aient fait un burnout ou une dépression. Simone Biles, la plus grande gymnaste de tous les temps, s’est arrêtée plusieurs mois après les JO de Tokyo, ce qui lui a permis de remporter 3 nouvelles médailles d’or à Paris[i]… Notons que la nourriture qu’Elie a prise, « un pain cuit sur la braise et une cruche d’eau » lui a été donnée par « un ange », c’est-à-dire un envoyé de Dieu. Cela signifie que pour sortir vainqueurs de nos épreuves, nous avons besoin des autres, et le Seigneur nous envoie parfois des « anges » pour nous réconforter (un ami, un psychologue, un prêtre… ou même un inconnu parfois). Grâce à leur bienveillance et éventuellement à leurs conseils, nous devenons capables de résilience.
Après avoir repris des forces dans le Seigneur, nous devons nous convertir. C’est ce qu’Elie a fait en marchant vers la montagne, qui symbolise le lieu de la rencontre avec Dieu : il « marcha quarante jours et quarante nuits jusqu’à l’Horeb, la montagne de Dieu ». Pas mal pour un homme qui voulait mourir ! 40 symbolise le temps de la gestation, l’avènement d’une nouvelle réalité. Et l’Horeb (qu’on appelle aussi le Sinaï) est en plein milieu du désert. Nous devons donc accepter de traverser nos propres déserts, de perdre nos repères habituels pour en découvrir d’autres. Les crises ne sont pas à fuir ou à nier, elles peuvent des occasions de renouvellement profond, comme l’étymologie nous le révèle : en grec, crisis (de krinein, jugement) signifie la nécessité de discerner et de faire un choix. Pendant cette longue marche, Elie a pris conscience qu’il avait eu tort d’ordonner le massacre des prophètes de Baal, qu’il avait cédé à la violence (d’où son auto-critique « je ne vaux pas mieux que mes pères ») et qu’il devait devenir meilleur.
Nous aussi, nous devons faire régulièrement des examens de conscience pour reconnaître les injustices que nous avons commises. Comme l’écrit saint Paul aux Ephésiens : « N’attristez pas le Saint Esprit de Dieu, qui vous a marqués de son sceau en vue du jour de votre délivrance. Amertume, irritation, colère, éclats de voix ou insultes, tout cela doit être éliminé de votre vie, ainsi que toute espèce de méchanceté » (2° lect.) Mais notre examen de conscience n’est pas du nombrilisme, il doit nous porter aussi à rendre grâce au Seigneur pou tous ses bienfaits et à chercher à lui ressembler. C’est pourquoi l’Apôtre poursuit : « Soyez entre vous pleins de générosité et de tendresse. Pardonnez-vous les uns aux autres, comme Dieu vous a pardonné dans le Christ. Oui, cherchez à imiter Dieu ».
Puisque la conversion consiste à se tourner vers le Seigneur, elle nous donne la possibilité de le contempler, comme l’a fait Elie sur le mont Horeb. Nous ne sommes pas des toupies qui tournent sans cesse sur elles-mêmes ! Une fois que notre regard est dirigé vers Dieu, demeurons ainsi (ce mot « demeurer » revient sans cesse dans le discours de Jésus à la dernière Cène selon saint Jean). C’est l’expérience qu’Elie a faite sur la montagne : son cœur devenu humble dans le désert a su reconnaître que Dieu n’était ni dans l’ouragan ni dans le tremblement de terre ni dans le feu mais dans la brise légère… (1R 19) Pas étonnant qu’il apparaisse avec Moïse (qui parlait avec Dieu « face à face ») sur le Thabor lors de la Transfiguration (que nous avons célébrée mardi dernier) !
Cette contemplation, source de quiétude profonde, ne peut être obtenue par nos propres efforts seulement, elle est avant tout un don de Dieu lui-même : « Personne ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire » nous dit le Christ. Il nous suffit de nous laisser guider par le Saint-Esprit, au lieu de l’attrister par notre refus de lui obéir : « N’attristez pas le Saint Esprit de Dieu, qui vous a marqués de son sceau en vue du jour de votre délivrance » (2° lect.) Seule une foi humble permet de reconnaître le Seigneur dans le murmure d’une brise légère ou dans un morceau de pain consacré. Cette foi consiste avant tout à écouter Dieu : « Il est écrit dans les prophètes : Ils seront tous instruits par Dieu lui-même. Tout homme qui écoute les enseignements du Père vient à moi. » N’oublions pas que le premier commandement est : « Ecoute Israël » (Dt 6,2) ! Ainsi, écouter Dieu et le contempler vont de pair, même si notre contemplation ne sera parfaite que lorsque nous le rencontrerons après notre mort. A ce moment, « nous lui serons semblables car nous le verrons tel qu’il est » (1Jn 3,2)
Ainsi, frères et sœurs, le Seigneur nous invite à goûter avec lui la vie éternelle. Mais parfois, nous sommes tentés de récriminer comme les Hébreux dans le désert, ou de dire comme Elie : « Maintenant, Seigneur, c’en est trop ! Reprends ma vie. » Lorsque nous serons dans ces situations d’épreuve, sachons accueillir les grâces que Dieu nous fera pour reprendre des forces, convertissons-nous pour Le trouver sur les chemins de nos vies quotidiennes, et prenons aussi des temps de prière pour le rencontrer et le contempler humblement dans le murmure de la brise légère. Nous pourrons ainsi bénir le Seigneur en tout temps, sa louange sans cesse à nos lèvres !
P. Arnaud
[i] Alors qu’elle était archi favorite aux Jeux de Tokyo, elle avait dû s’arrêter au tout début des épreuves. Elle a su assumer sa décision de s’arrêter temporairement, alors que beaucoup l’accusaient d’avoir « trahi » sa nation. Après s’être reposée et ressourcée physiquement et psychiquement, elle est revenue plus forte que jamais.