Béni soit celui qui vient, le Roi, au nom du Seigneur !

Frères et sœurs, pourquoi allons-nous rapporter des rameaux chez nous après cette célébration ? Ils nous rappelleront l’entrée de Jésus à Jérusalem, lorsqu’il a été acclamé par la foule comme « celui qui vient, le Roi, au nom du Seigneur ». Mais nous savons que sa royauté n’est pas de ce monde (Jn 18,36). Lorsque nous contemplerons nos rameaux, nous pourrons penser à trois de ses facettes. Conscients que le buis est un symbole d’éternité parce que ses feuilles ne se flétrissent pas sur l’arbre pendant l’hiver, nous penserons à son Amour, qui ne passera jamais (1Co 13,8). Lorsqu’ils brilleront dans la lumière du jour, nous penserons à la splendeur de la Vérité. Enfin, parce qu’ils se flétriront dans quelques mois, nous penserons à son Humilité. Méditons maintenant sur ces trois facettes de la royauté de Jésus.

 

Pour commencer, Dieu est Amour, et c’est par Amour que le Fils de Dieu s’est incarné parmi nous, afin de nous sauver. Son Amour s’exprime tout au long de la Passion. Songeons au serviteur du grand prêtre, à qui un disciple (un autre évangéliste précise que c’est Pierre) a tranché l’oreille, et que Jésus guérit. Songeons à Pierre, encore lui, qui a renié 3 fois Jésus, et sur lequel celui-ci pose un regard tellement plein de tendresse que Pierre ne peut s’empêcher de pleurer amèrement ensuite. Songeons à tous les ennemis de Jésus, pour lesquels il prie sur la croix en disant : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font. »  Songeons au malfaiteur crucifié à côté de lui, et à qui il fait cette étonnante promesse : « Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. » Cet Amour de Jésus pour les hommes s’enracine dans son Amour pour son Père. C’est à Lui, dans un total abandon et une totale confiance, qu’il adresse ses dernières paroles : « Père, entre tes mains je remets mon esprit. » Les nombreux et magnifiques gestes de solidarité et d’accueil qui sont posés à chaque fois que survient une guerre ou une catastrophe naturelle manifestent que beaucoup dans notre monde, quelle que soit leur foi, ont une immense soif d’Amour, un Amour concret qui s’exprime dans la fraternité.

 

La deuxième facette de la royauté du Christ est la Vérité. Au moment de son procès, il dit à Pilate : « Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Quiconque appartient à la vérité écoute ma voix.” » (Jn 18,37) Rendre témoignage, en grec, se dit martyrios. Lorsque Pilate qui lui demande : « Es-tu le roi des Juifs ? », il n’esquive pas, bien qu’il sache que sa réponse peut lui valoir la mort, il répond : « C’est toi-même qui le dis. » Il sait pourtant que pour les Romains, il ne doit pas y avoir d’autre roi que César, comme les chefs du peuple le diront opportunément pour leur part ensuite : « Pilate leur dit : “Vais-je crucifier votre roi ?” Les grands prêtres répondirent : “Nous n’avons pas d’autre roi que l’empereur.” » (Jn 19,15) Si Jésus, au lieu de se défendre, ne répond pas à Hérode qui lui pose « bon nombre de questions », c’est parce qu’il sait que cela ne servira à rien, Hérode étant trop superficiel pour comprendre ses réponses éventuelles… Dans notre époque infestée par tant de mensonges et de fake news, notre désir de la Vérité doit être toujours en éveil. Nous devons non seulement la chercher mais aussi la manifester, en paroles et en actes, avec le courage de celui qui EST la vérité (Jn 14,6).

 

Enfin, la royauté du Christ repose sur son Humilité. Celle-ci est particulièrement manifeste dans la fête que nous célébrons aujourd’hui. Il ne rentre pas dans Jérusalem sur un grand cheval, mais sur un petit âne. On ne lui déroule pas le tapis rouge, mais on dépose devant lui des manteaux. Bientôt, les acclamations de la foule vont changer et devenir des cris de haine : « crucifie-le ! crucifie-le ! » Au lieu de juger ses sujets, comme le faisait Salomon ou comme le fera saint Louis au pied de son chêne dans la forêt de Vincennes, tout près d’ici, il sera jugé lui-même et condamné. Au lieu d’une magnifique couronne d’or et de diamants, il portera une couronne d’épines. Au lieu de porter les plus beaux vêtements, on le revêtira d’un manteau de couleur éclatante en signe de dérision, avant de le dénuder complètement. Au lieu de l’oindre avec les crèmes les plus douces, on le flagellera et on lui crachera dessus. Au lieu de l’installer sur une chaise à porteurs, c’est lui qui devra porter une lourde croix. Au lieu de l’asseoir sur un trône en métal précieux, il sera cloué sur une Croix.

 

Ainsi, Jésus est bien « le roi des Juifs », comme Pilate le fera écrire au-dessus de sa tête sur la Croix. Mais sa royauté n’est pas de ce monde, elle repose sur son Amour, sa Vérité, son Humilité. Aussi le Christ veut il régner en nos maisons et en nos cœurs par l’Amour, par la Vérité et par l’Humilité. A chaque fois que nous aimons nos frères, même et surtout ceux qui nous ont fait du mal et à qui nous osons pardonner, nous acclamons le Christ comme notre roi. A chaque fois que nous osons exprimer la Vérité, surtout lorsqu’elle peut nous occasionner des ennuis, nous acclamons le Christ comme notre roi. A chaque fois que nous nous abaissons au lieu de nous élever aux yeux des autres et de nous-mêmes, nous acclamons le Christ comme notre roi. Mais à chaque fois que nous refusons d’aimer et de pardonner, nous re crucifions Jésus. A chaque fois que nous usons de mensonge ou que nous taisons la vérité, nous re crucifions Jésus. Et à chaque fois que nous nous gonflons d’orgueil, nous re crucifions Jésus. « Christ est en agonie jusqu’à la fin du monde », a écrit Pascal. Pendant les jours et les mois à venir, lorsque nous regarderons les rameaux accrochés à nos murs, demandons-nous si le Christ règne véritablement dans nos cœurs, demandons-nous si nous sommes prêts à donner nos vies pour aimer Dieu et notre prochain, pour témoigner de la Vérité et pour nous abaisser dans l’Humilité. Si nous sommes tentés de crucifier le Christ à nouveau, regardons la Vierge Marie, sa Mère qui l’a suivi jusqu’au pied de la croix et qu’il nous a donné pour Mère à nous aussi, et demandons-lui d’intercéder pour nous. Et enfin, s’il nous arrive de le renier comme Pierre, ne désespérons pas comme Judas, regardons le Christ poser sur nous son regard d’amour et laissons nos larmes purifier notre cœur ! C’est ainsi que nous pourrons, à la suite du bon larron, entrer un jour dans le paradis !

P. Arnaud