Maurice Denis (Granville, novembre 1870 – Paris, novembre 1943)

La vocation de Maurice Denis se manifeste tôt. Dans son journal, l’adolescent écrit en 1885 « Oui, il faut que je sois peintre chrétien, que je célèbre tous ces miracles du Christianisme, je sens qu’il le faut. » . La foi est la composante première de sa personnalité d’artiste, s’y ajouteront l’amour, l’art et la religion.  Après des études aux Beaux-arts et s’être frotté aux différents courants artistiques il fait partie, au début des années 1890, d’un petit groupe d’artistes dont il devient le théoricien : les Nabis. Ce mot signifie prophète, en hébreu. Le prophète est le traducteur de l’invisible, celui qui incarne, dans le langage sensible une réalité intérieure. C’est dans cette voie qu’il s’engage ; il fait preuve d’audace dans ses compositions, utilise des formes simplifiées sans volumes, use de la ligne avec virtuosité car elle possède un fort pouvoir émotionnel. A côté de son œuvre intimiste il réalisa une quarantaine de décors monumentaux dont ceux réalisés dans les églises Saint-Louis de Vincennes en 1927 et du Saint-Esprit en 1934.

 

Maurice Denis et son œuvre, « La Pentecôte »

Dans l’immense chantier que fut l’église du St-Esprit (mai1928 – décembre1934), son architecte, Paul Tournon (1881 1964), impose une technique, la fresque, une unité de couleurs, la dominante rouge (couleur de l’Esprit Saint), un thème iconographique, la diffusion de l’Esprit Saint à travers le temps et l’espace. Dans ce cadre précis, il demande à Maurice Denis de peindre, dans l’abside, la « Pentecôte », ce moment où l’Église est constituée par la force de l’Esprit de Dieu. Après le départ de tous les artistes en mai 1934, M. Denis travaille sans relâche avec deux de ses élèves pendant trois mois, jusqu’au 29 juillet. Sur son échafaudage* en planches de six niveaux, il affronte un mur de 14,32 m de hauteur et de 7,70 m de largeur. Par la surface à décorer et le support en béton, il relève de véritables défis intellectuels, esthétiques et techniques. Maurice Denis n’est pas à l’aise avec la méthode de la fresque. Aussi utilise-t-il une nouvelle peinture, un enduit sec, le Stic B**qui présente de grands avantages : il possède une gamme chromatique étendue, permet de couvrir de grandes surfaces, autorise les retouches et donne un rendu mat proche de la fresque.

 

La composition est puissamment structurée. Elle insère une architecture fictive et un décor d’arcades, colonnes et balustrades de couleur grise – couleur du béton d’origine – qui prolongent visuellement celles de l’église. Dans cette œuvre il condense et illustre l’action de l’Esprit Saint, hier et aujourd’hui, ici et en tous lieux. En effet, depuis la voûte,  l’Esprit descend en langues de feu sur la Vierge et les douze apôtres réunis au Cénacle. Puis sont représentés les Pères des Églises d’Orient et d’Occident s’étant exprimés sur le Saint Esprit. Enfin la partie basse évoque l’Église de 1930 vivant des dons de l’Esprit à travers les sacrements. M. Denis offre ici un ensemble peint grandiose, véritablement inspiré, l’une de ses plus belles compositions.

Une inscription en latin tirée des Actes des Apôtres s’enroule autour de l’arcade fictive  «Tanquam advenientis spiritus vehementis et repleti sunt omnes spiritu sancto et coeperunt loqui variis linguis, magnalia dei, alleluia» ce qui signifie « Il advint comme un vent violent et ils se mirent à parler en d’autres langues des merveilles de Dieu, alléluia » (Ac 2, 1-11)

 

Martine

 

 

* « Ceux-là qui l’ont pratiquée ne se rappellent pas sans plaisir la vie de l’échafaudage : c’est-à-dire la lutte passionnante contre la matière – le mur, la couleur, la matière optique – ; l’attention aux proportions, à l’architecture, à la visibilité ; l’interprétation des esquisses, des dessins et des documents ; enfin, la joie qu’il y a à trouver coûte que coûte la solution de problèmes qui ne peuvent attendre. Cela demande de la bonne humeur, de l’endurance, de la simplicité. Et la collaboration du maître et des élèves y est plus variée, plus vivante, plus complète. » écrit Maurice Denis dans Charmes et Leçons de l’Italie, en 1933

 

** Stic B :  peinture émulsionnée à la résine mise au point par Pierre Bertin et Alice Lapeyre en 1919 dont la formule originelle est aujourd’hui perdue.